Made in emplois, un livre de Charles Huet

Comme le rappelle son auteur, si les hommes sont prompts aux débats d’idées et friands de recettes miracles, ce sont les femmes qui le plus souvent font les courses. Avec ses presque 500 pages, Made in emplois, ou comment consommer contre le chômage est donc le cadeau de fête des Mères idéal pour toutes les consommatrices responsables. Ce livre, publié par les Editions du Puits fleuri, est une sorte de Fabrique hexagonale, mais en version papier, avec en plus des informations sur l’agro-alimentaire, notamment un précieux « calendrier des saisons des fruits et légumes français ». Avantage du livre sur Internet : il est transportable et donc consultable n’importe où. Inconvénient : les infos obsolètes restent imprimées. Et Dieu sait qu’en termes de fabrication française, le rythme d’apparition et de disparition des marques et fabricants est rapide. L’objectif de l’auteur est d’ailleurs de publier chaque année une mise à jour de l’ouvrage.
Pour sa première édition, Made in emplois est divisé en dix chapitres, soit autant de catégories de produits (« agro-alimentaire », « hygiène & beauté », « cuisine », « électroménager », etc.), précédée chacune d’une carte de France. Un recensement par régions est également disponible à la fin de l’ouvrage. Comme son nom l’indique, Made in Emplois prend le parti de l’emploi, créant pour l’occasion un indicateur, l’Empreinte Emploi France (EEF), qui donne au lecteur une idée du nombre d’hommes et de femmes impliqués en France dans la production de tel ou tel produit. Cette méthode présente l’avantage de mettre au même niveau des entreprises françaises et étrangères, pourvu qu’elles fournissent du travail, et de valoriser de la même façon l’industrie et le tertiaire. Après tout pourquoi pas : lorsque l’on doit gagner sa vie, tous les secteurs d’activité se valent. Une limite cependant : c’est précisément le discours uniformisateur que tiennent les entreprises qui ont délocalisé leurs emplois productifs pour les remplacer par des postes de contrôleurs, de « mise-en-boîteurs-conditionneurs » ou de vendeurs. Or, comme l’explique l’auteur lui-même, c’est l’industrie qui « emploie les salariés les plus qualifiés » ; « qui distribue les salaires les plus élevés »; « qui est le principal contributeur aux exportations »; « qui dissémine de l’emploi sur tout le territoire » ; « qui permet le développement des services aux entreprises » et, enfin, « qui est la dernière gardienne de nombreux savoir-faire rares et précieux ». Si tous les emplois ont la même valeur lorsque l’on cherche un travail, ce n’est donc pas le cas à l’échelle d’un pays. Un exemple édifiant : le groupe Royer (répertorié page 224) a racheté nombre de fabricants de chaussures —  Kickers, Aster, Mod 8, Stéphane Kélian, Charles Jourdan —, pour enfant en particulier. Il a délocalisé la production pour ne conserver que la conception, le prototypage, le contrôle qualité… Et encore, pour combien de temps ? Certes, cette entreprise emploie encore dans l’Hexagone plusieurs centaines de salariés, mais combien d’autres ont-ils été licenciés lors des rachats successifs ? Et combien de savoir-faire ont-ils été transférés à l’étranger ? Après avoir totalement délocalisé la fabrication, le groupe Royer a paradoxalement créé quelques emplois productifs dans la Drôme, où une vingtaine de salariés fabriquent désormais des modèles luxe pour les marques Stéphane Kélian et Charles Jourdan, rachetées en 2007 et 2008. Un petit atelier qui travaille également en sous-traitance pour de nouvelles marques françaises…
Cette réserve mise à part, Le Guide des produits made in emplois est un ouvrage bien utile pour celles et ceux qui essaient de consommer local et responsable. Les plus libéraux y trouveront en outre un plaidoyer pour la liberté en général, pour le libre-arbitre de l’acheteur en particulier, pour l’initiative individuelle et, au contraire, une descente en flèche de l’intervention des pouvoirs publics. Plaidoyer qui aura sans doute du mal à convaincre ceux qui ont quelques doutes quant à la sagesse présupposée des consommateurs, aux vertus auto-régulatrices du marché ou à la liberté totale qui doit être laissée aux acteurs économiques.

Le Guide des produits made in emplois (ou comment consommer contre le chômage), Charles Huet, éditions du Puits Fleuri, 476 pages, 24 € (+ frais d’envoi).

 

 

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