Histoire d’Ăªtre cohĂ©rent, j’ai dĂ©cidĂ© rĂ©cemment de me raser bio et français. Fini donc les mousses et les gels plus ou moins bon marchĂ©, fabriquĂ©s Dieu sait oĂ¹ par des multinationale du cosmĂ©tique et de la lessive. L’avènement du bio a en effet permis Ă  de nombreux petits laboratoires hexagonaux d’avoir voix au chapitre, ce qui n’Ă©tait pas le cas il y a peu.
Les produits de grande consommation nous ont fait prendre de bien mauvaises habitudes, et nous sommes dĂ©sormais shootĂ©s aux produits bon marchĂ© — du moins lors de leur achat, car pour ce qui est de l’usage… — qui nous en mettent plein la vue. A en croire le marketing et la publicitĂ©, les mousses Ă  raser d’aujourd’hui protègent la peau, l’assouplissent, l’adoucissent, la rendent belle et soyeuse. Elles permettent Ă©galement de ramollir le poil, facilitent le rasage, Ă©vitent les coupures, aident Ă  cicatriser si nĂ©cessaire, etc. Tous ces produits moussent tellement que c’est le père NoĂ«l que chaque homme contemple le matin dans son miroir. Outil complĂ©mentaire indispensable bien entendu : un rasoir Ă  4, 5,10 lames…
Et la mousse bio bien de chez nous ? Commençons par le flacon. Rien Ă  redire : sobre, Ă©lĂ©gant, de bon goĂ»t. Il est en revanche plus petit et coĂ»te environ le double. Mais on est consommateur responsable ou on ne l’est pas…
Passons aux travaux pratiques : pour commencer, la mousse ne mousse pas, ou Ă  peine. Ensuite, il faut faire vite, car elle disparaĂ®t très rapidement. Bizarre. Un petit tour sur le site du fabricant nous apprend que l’aspect particulier de la mousse est normal puisqu’il n’y a pas de gaz propulseur dans la bombe et que l’Ă©mulsion se fait naturellement. « Les gaz propulseurs agissent uniquement sur l’aspect du produit et non sur son efficacitĂ©. Seuls les principes actifs sont responsables de son efficacitĂ©, et non la texture ».

L’apparence avant tout
L’homme moderne est tellement habituĂ© Ă  l’esbroufe, Ă  la noisette de mousse qui permet, grĂ¢ce Ă  la magie de la chimie, de couvrir l’intĂ©gralitĂ© du visage et du cou, qu’il faut lui expliquer que lĂ  n’est pas l’essentiel. Et en effet, un fois les nouvelles habitudes prises — bien agiter le flacon, Ă©taler la mousse sur la peau sèche, bien masser, etc. —, il est Ă©vident que le produit remplit son office. Pas de coupure — et ce pour la première fois de ma longue vie —, une peau beaucoup moins « rougeoyante » que d’ordinaire et un rasage très rapide. Et ce avec un modeste rasoir Bic premier prix. De plus, le rinçage se fait en cinq secondes sous un mince filet d’eau : plus besoin de remplir son lavabo pour se dĂ©barrasser de l’Ă©paisse mousse chimique et collante. C’est bon pour la peau, bon pour l’environnement et la santĂ© — pas de produits chimiques, mais des ingrĂ©dients naturels et bio, peu d’eau gĂ¢chĂ©e —,  et bon pour l’Ă©conomie locale et les petites entreprises.
C’est efficace, mais pas très impressionnant…
Et lĂ  est le problème, car il en va du rasage comme de tout. Proposer Ă  bon prix des produits de mĂ©diocre qualitĂ©, pour peu qu’ils « en jettent », est devenu la règle. Vendre des fruits plus beaux, plus gros, plus colorĂ©s, quand bien mĂªme seraient-ils insipides et gorgĂ©s de pesticides, est aujourd’hui la norme. Communiquer, dire tout et son contraire, s’agiter, se faire mousser justement, est Ă  prĂ©sent la recette pour sĂ©duire et gagner. Peu importe les rĂ©sultats. Seule l’apparence, seule la mousse compte.
MĂªme si après-coup les coupures apparaissent.