Le label France fait encore recette aujourd’hui, à tel point que nombre de fabricants n’hésitent pas à ajouter « France » ou « Paris » à côté de leur propre nom, complété si possible par une date, la plus ancienne possible, histoire d’asseoir davantage encore leur légitimité. Les entreprises qui ont « quitté » la France depuis bien des années par souci d’économie ne sont pas les dernières à avoir recours à ce genre d’artifice. Ce qui est étonnant, c’est qu’elle aient le droit de le faire. Le maroquinier Lamarthe appose ainsi Paris à son propre nom, cela en souvenir de son origine parisienne, qui remonte à 1930. Mais depuis, qu’est devenue cette entreprise ? Si son siège social est toujours parisien, ce qui lui permet d’être cotée à la Bourse de Paris, elle est passée sous pavillon italien en 2004 et fabrique désormais tous ses articles en Roumaine, où elle possède deux usines. Ou plus exactement possédait, puisque le quotidien Les Echos nous apprend que l’entreprise s’apprête à se séparer de ses usines est-européennes pour confier la totalité de la fabrication à un autre industriel italien, qui se chargera également de poursuivre une nouvelle délocalisation, déjà entamée 2007, vers la Chine. Lorsque les capitaux sont italiens et que, par conséquent, les choix stratégiques sont italiens, lorsque la production est roumaine et chinoise, peut-on encore véritablement parler de maroquinier et de savoir-faire français ?

Taper sur les doigts
Autre univers, autre procédé : un célèbre fabricant français de chaussettes et de collants ajoute lui aussi une date, fort ancienne, à côté de son nom. Là aussi il est clairement fait référence à un passé, à un très long savoir-faire industriel. Pour affirmer cette identité, cet héritage, chaque modèle fabriqué arbore fièrement un Made in France du plus bel effet sur ses étiquettes, juste à côté du prix. Un prix élevé pour une paire de chaussettes, mais justifié par les charges et les salaires en vigueur en France. Oui mais voici : selon les confidences de M. X, cadre de l’entreprise qui préfère conserver l’anonymat, « si une petite partie de la production est effectivement faite dans l’usine française, berceau de l’entreprise, l’essentiel de la production vient à présent d’Italie, du Maroc et ailleurs», et ce contrairement à ce que prétend l’étiquette…  A la question : « Comment est-il possible d’écrire Made in France sur l’étiquette d’un produit fabriqué au Maroc ? », la réponse est très simple : « Il y a quelque temps, on se serait fait taper sur les doigts, aujourd’hui ça passe. Alors on continue… » C’est vrai après tout, puisqu’on peut  faire payer plus tout en dépensant moins, en trichant, sans le moindre risque, pourquoi se gêner ?