Que vient faire cette petite note sur ce modeste blog ? Quel rapport existe-t-il entre une soirĂ©e tĂ©lĂ© sur Arte et le propos dudit blog ? On peut d’abord rappeler qu’Arte est une chaĂ®ne de tĂ©lĂ©vision Ă  demi-française et, qu’Ă  ce titre, elle a tout Ă  fait sa place ici. On peut ensuite ajouter qu’en dĂ©pit de sa demi-hexagonalitĂ©, Arte doit produire Ă  elle seule autant de programmes de qualitĂ© que l’ensemble de ses concurrentes 100%-de-chez-nous. Et qu’enfin, la teneur des Ă©missions, films et autres reportages de cette chaĂ®ne franco-allemande nous ramène, très souvent, au cÅ“ur du problème qui nous occupe ici…
Samedi dernier, donc, sur Arte. Pour commencer, un documentaire sur les Mayas, leur histoire, leur culture et leur « alphabet », disparu depuis des siècles. Disparu depuis le dĂ©barquement des Espagnols au XVIe siècle et leur acharnement Ă  extirper l’hĂ©rĂ©sie, Ă  dĂ©truire, coĂ»te que coĂ»te, tout ce que les Mayas avaient bĂ¢ti depuis le IIIe millĂ©naire avant notre ère. Ainsi « l’alphabet » maya, effacĂ© du patrimoine culturel mondial. Ou presque… Quatre ouvrages ont pu Ăªtre sauvĂ©s. C’est Ă  partir de cette maigre source documentaire et des inscriptions gravĂ©es sur les vestiges des villes mayas du Mexique, du Guatemala ou du Honduras, que le travail de recherche et de reconstruction a pu se faire. AmĂ©ricains, Anglais, Allemands, Russes et Français, chercheurs, scientifiques et mĂªmes religieux, tous ont travaillĂ©, tout au long des XIXe et XXe siècles, pour essayer de dĂ©chiffrer ces mystĂ©rieux hiĂ©roglyphes amĂ©rindiens. Deux siècles ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires pour comprendre, en partie seulement, ce que racontaient ces textes, ce qu’ils disaient de cette civilisation, de son histoire. Deux siècles pour reconstruire ce que leurs ancĂªtres europĂ©ens avaient mis tant d’ardeur Ă  dĂ©truire. On sait aujourd’hui, grĂ¢ce Ă  leur patient travail, que les connaissances des Mayas en astronomie ou en mathĂ©matiques n’avaient pas grand-chose Ă  envier aux nĂ´tres. OĂ¹ en serions-nous aujourd’hui si nous avions su utiliser ces savoirs au lieu de les rĂ©duire en cendres au nom de la religion, de la culture europĂ©enne, de la loi du plus fort? Aujourd’hui, ce colonialisme n’est plus religieux — quoique —, il est Ă©conomique et financier. Mais la finalitĂ© est la mĂªme : s’emparer des richesses des autres, rĂ©duire leur culture, gommer leur histoire, leur langue…

Rassurons-nous, la cause est noble
La preuve en deuxième partie de soirĂ©e avec Bamako, la cour, un drĂ´le de film-documentaire-reportage oĂ¹ se mĂªlent acteurs amateurs et professionnels, vrais avocats, vrais tĂ©moins… Cette Å“uvre simule le procès que l’Afrique pourrait faire Ă  la Banque mondiale et au FMI. Puisqu’il n’existe aucun tribunal pour juger les mĂ©faits de ces tout-puissants bras armĂ©s du Nord, l’auteur, Abderrahmane Sissako, a imaginĂ© un procès fictif oĂ¹ les Africains disent ce qu’ils ont sur le cÅ“ur. Une femme, Ă  la barre, rĂ©fute ainsi l’idĂ©e selon laquelle l’Afrique souffrirait de pauvreté… « Elle souffre au contraire d’Ăªtre trop riche » et d’attirer tous ceux qui n’ont que la fortune, la puissance et le pouvoir comme idĂ©aux. C’est-Ă -dire, depuis des siècles, des homme venus du Nord. Bien sĂ»r, des Africains profitent du système, pactisent avec les Blancs pour s’enrichir personnellement. Qu’y a-t-il d’Ă©tonnant Ă  cela? En quoi le chef d’entreprise  — ou les actionnaires — qui choisit de fermer une entreprise en France pour la dĂ©localiser ailleurs et gagner ainsi plus d’argent, en quoi agit-il diffĂ©remment ? Il profite Ă  des fins personnelles d’un système qui lentement ruine l’Ă©conomie de son propre pays. Puis il part exploiter, encore et toujours, les peuples du Sud ou de l’Est. Mais rassurons-nous, la cause officielle
est noble : il s’agit de donner aux pays pauvres les moyens de devenir riches, d’assurer leur dĂ©collage Ă©conomique, de faire naĂ®tre, lĂ -bas, cette fameuse classe moyenne, que l’on s’Ă©chine Ă  supprimer ici. Il y a quelques siècles, on Ă©vangĂ©lisait ces braves sauvages pour les amener, patiemment, au niveau de l’homme blanc. Aujourd’hui, on leur fait fabriquer nos jeans oĂ¹ les jouets de nos enfants.
Les moyens diffèrent, les motivations et les maux sont les mĂªmes. Ceux qui trinquent aussi.