Il y a quelques annĂ©es, avant la grande vague des dĂ©localisations, Olympia Ă©tait le champion de la chaussette made in France. Pour rĂ©sister —  officiellement — aux importations des pays Ă  bas coĂ»ts, les directions successives de l’entreprise ont vidĂ© de sa substance le site historique français, crĂ©Ă© par les gĂ©nĂ©rations passĂ©es de la famille Jacquemard, pour transfĂ©rer une partie, puis la totalitĂ© de la production en Europe de l’Est. Des 1 200 salariĂ©s que comptait l’usine Olympia de Romilly-sur-Seine en 1986, il n’en restait plus que 160 en 2009. Le site de production roumain de l’entreprise en comptait en revanche plus de 400…
A l’issue des multiples vagues de licenciements, la justice française a estimĂ©, en 2009, que la direction n’avait pas respectĂ© toutes ses obligations. Elle lui a par consĂ©quent imposĂ© le versement de 2,5 millions d’euros d’indemnitĂ©s Ă  47 salariĂ©s, abusivement « remerciĂ©s » en 2006.

Maudits licenciés !
Des licenciĂ©s aussitĂ´t montrĂ©s du doigt par la direction et par les quelques « salariĂ©s survivants », qui les jugent responsables de la cessation de paiement de l’entreprise… Un des manquements d’Olympia a Ă©tĂ© de ne pas proposer d’emplois en Roumanie aux salariĂ©s licenciĂ©s, oĂ¹ leurs homologues est-europĂ©ens sont payĂ©s 110 euros par mois. Et on comprend pour une fois la direction : Ă  ce tarif-lĂ , les candidats au voyage dans les Carpates auraient Ă©tĂ© fort peu nombreux. Si cette obligation peut paraĂ®tre ridicule, comme l’a laissĂ© entendre la direction, elle a au moins le mĂ©rite de mettre en lumière les salaires que les entreprises dĂ©localisatrices versent aux « locaux ».
Suite Ă  cette affaire Olympia et Ă  d’autres, les dĂ©putĂ©s ont introduit, en juin 2009, la notion de « rĂ©munĂ©rations Ă©quivalentes » et « d’entretien prĂ©alable des salariĂ©s » dans une nouvelle proposition de loi. Depuis, plus rien. Jusqu’Ă  aujourd’hui. En ce mardi 4 mai 2010 en effet, le SĂ©nat va Ă  son tour se pencher sur cette proposition de loi, restĂ©e lettre morte depuis presque un an.

Après la Roumanie, les Vosges
Olympia a finalement Ă©tĂ© placĂ©e en redressement judiciaire Ă  la fin de l’annĂ©e 2009, incapable de faire face Ă  ses obligations. Le tribunal de commerce de Troyes vient de confier (le 27 mars dernier) la reprise d’Olympia Ă  Tricotage des Vosges — marque BleuForĂªt —, ardent dĂ©fenseur du made in France (et labellisĂ©e Made in Respect). L’objectif de l’entreprise lorraine est d’Ă©toffer son portefeuille de marques, en particulier pour « attaquer » les centrales d’achat des hypermarchĂ©s, oĂ¹ Olympia est très prĂ©sente. Cette nouvelle marque remplacera Dim, dont Tricotage des Vosges fabriquait les chaussettes jusqu’en juin 2009. Avantage avec Olympia : Tricotage des Vosges n’aura pas cette fois Ă  verser de coĂ»teuses royalties Ă  un quelconque fonds amĂ©ricain, propriĂ©taire de la marque, comme c’Ă©tait le cas pour Dim.
Selon les termes de la reprise d’Olympia, Pierre Marie, crĂ©ateur de Bleu forĂªt en 1995, ne reprend pas l’usine roumaine du fabricant aubois. Il s’engage en revanche a relocaliser « 25 Ă  30 % de la production »* roumaine dans les Vosges, Ă  Vagney, et Ă  reprendre 112 des 160 employĂ©s d’Olympia. Une vingtaine de personnes seront embauchĂ©es Ă  Vagney, les autres resteront Ă  Romilly-sur-Seine, pour mener Ă  bien des opĂ©rations logistiques. Des rescapĂ©s qui au final ne perdront pas au change, la direction de Tricotage des Vosges ne considĂ©rant pas le licenciement et la dĂ©localisation comme les seuls ingrĂ©dients d’une bonne gestion d’entreprise.
La mauvaise nouvelle de cette histoire est que les salariĂ©s roumains d’Olympia vont perdre leur emploi, victimes de cette exceptionnelle relocalisation. Et ils ont, comme les Français, besoin de nourrir leur famille. Heureusement, ils pourront probablement trouver près de chez eux une autre entreprise hexagonale pour leur fournir un nouveau travail. Kindy par exemple qui, outre ses propres modèles, fabrique aujourd’hui les chaussettes Dim, hier encore tricotĂ©es dans les Vosges.

* La Tribune, 28 avril 2010.

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