L’usine Continental de Clairvoix (Oise) va fermer ses portes en 2010. Les quelque 1 100 salariĂ©s du site, qui avaient acceptĂ© en 2007 de « travailler plus pour gagner plus » en passant d’un horaire hebdomadaire de travail de 35 Ă  40 heures, vont donc finalement ne plus travailler du tout. Le coupable tout trouvĂ© de cette mauvaise nouvelle est bien entendu la crise, responsable de la chute vertigineuse du marchĂ© automobile. Il est vrai que lorsque les ventes de voitures s’effondrent de près de 50 % dans certains pays, il devient difficile de fabriquer et de vendre autant de pneus que par le passĂ©. Le rachat il y a quelques mois de Continental par Schaeffler, fabricant allemand de roulements Ă  bille, n’y est probablement pas pour rien cependant. Cette entreprise familiale est aujourd’hui au bord de la faillite, incapable d’honorer ses crĂ©ances, le rachat de Continental – trois fois plus gros qu’elle – ayant Ă©tĂ© opĂ©rĂ© Ă  crĂ©dit. Au total, les dettes de Schaeffler et de Continental s’Ă©lèvent Ă  22 milliards d’euros. La crise, toujours la crise, ou plutĂ´t une nouvelle version de la fable de « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bÅ“uf » ? Après une indigestion, il est conseillĂ© de se mettre Ă  la diète. Et ce sont bien sĂ»r les salariĂ©s de Clairvoix, mais aussi ceux de l’usine allemande de Hanovre, qui feront donc les frais de ce petit rĂ©gime. DĂ©jĂ , dans un reportage diffusĂ© par Arte en 2008, l’ancien patron de Continental, Manfred Wennemer, expliquait, pour simplifier, « que les dĂ©localisations Ă©taient inĂ©vitables, que si les salariĂ©s ne voulaient pas le comprendre, c’Ă©tait bien dommage, mais que c’Ă©tait lui qui dĂ©cidait ». C’est M. Wennemer qui, en quelques annĂ©es, avait transformĂ© Continental de « simple » fabricant de pneumatiques en Ă©quipementier automobile, notamment avec le rachat de VDO, ancienne filiale de Siemens. La grenouille, le bÅ“uf, lĂ  aussi… L’intĂ©gration de VDO se fit notamment au prix de nombre de dĂ©localisations dans des pays Ă  bas coup. Incroyablement suffisant et sĂ»r de lui, Manfred Wennemer a pourtant Ă©tĂ© dĂ©barquĂ© lors du rachat par Schaeffler. Il ne faut pas s’Ă©tonner, lorsque l’on prĂ´ne les fusions, les OPA, les restructurations et les dĂ©localisations, d’en Ăªtre soi-mĂªme Ă©ventuellement les frais un jour. Eh oui, il semblerait qu’aujourd’hui, plus personne ne soit Ă  l’abri des mauvaises surprises. La Tribune nous apprend ainsi – information essentielle si l’en est – que le nombre des milliardaires dans le monde a diminuĂ© de 332 en 2008, leur fortune cumulĂ©e fondant de 4400 Ă  2400 milliards de dollars. A Paris, les bĂ©nĂ©fices des entreprises du CAC 40 ont glissĂ© de 35 % et sont passĂ©s de 100 milliards en 2007 à un ridicule 65 milliards d’euros en 2008. Le groupe Total a rĂ©alisĂ© Ă  lui seul plus 20% de cette modeste enveloppe, en dĂ©gageant un bĂ©nĂ©fice de près de 14 milliards d’euros (+14% sur un an), chiffre encore jamais atteint par une entreprise française. Explications fournies par le groupe : la flambĂ©e des prix du pĂ©trole au cours de la première moitiĂ© de 2008. Mais comme aujourd’hui les temps sont durs pour tout le monde, Total s’est empressĂ© d’annoncer le licenciement de plus de 550 personnes en France d’ici Ă  2013.