Il n’y a pas si longtemps, ceux-qui-savent prétendaient que les délocalisations en Chine ou ailleurs étaient sans importance. Ce n’étaient que tâches ingrates, sans valeur ajoutée, sans technicité, bref, du travail bas de gamme que nos travailleurs eux-mêmes ne souhaitaient plus accomplir. Il s’agissait en outre d’un moyen intelligent de donner aux pays destinataires les moyens de se développer, de gagner de l’argent afin qu’ils puissent, en retour, acheter nos supers produits high-tech qu’ils étaient bien incapables de fabriquer. Aujourd’hui, c’est Airbus qui inaugure sa première usine d’assemblage en Chine. Entre la confection de nos chaussettes et celle de nos avions, il y a semble-t-il comme une différence de technicité, non ? Louis Gallois, le président d’EADS, précise qu’il s’agit-là de l’indispensable internationalisation de l’entreprise. Tout le monde sait en effet qu’Airbus n’était jusqu’à présent qu’une PME franchouillarde tout juste capable de vendre ses coucous aux conseils régionaux. Une question cependant :  en quoi le transfert en Chine de tout ce qui peut être fabriqué est-il une internationalisation ? Parlons plutôt de « chinisation », voire de « chinisme », cela aurait au moins le mérite de la franchise ! Restons honnêtes : M. Gallois entend également procéder au transfert de production de certains éléments  en Tunisie, au Maroc, en Inde, etc. Ces usines extra-européennes n’auront, paraît-il, aucune conséquence négative sur l’emploi en France, en Allemagne… Reparlons-en dans quelques mois…
Airbus est né et a grandi grâce à de l’argent public. Il a fallu investir, prendre des risques et perdre beaucoup de cet argent, pendant des années. Des milliers d’emplois ont été créés. Petit à petit, Airbus est venu concurrencer Boeing, avant finalement de lui damer le pion. C’est alors que l’heure de la privatisation a sonné. Après la socialisation des dépenses, place à la privatisation des profit. Comme toujours. Et, avec elle, à la limitation des charges, de personnels notamment.
Chinois, Tunisiens ou Indiens sont tout aussi capables que les Européens, là n’est pas la question. Mais à une condition : que les pouvoirs publics contrôlent, vérifient, sanctionnent si nécessaire. A défaut, c’est la course aux profits qui s’engage, au mépris de toute autre considération. Les jouets, le lait ou les bonbons en provenance de Chine sèment déjà la panique à travers notre jolie planète globalisée. Faudra-il attendre que quelques Airbus Made in China se crashent ici et là, avec de préférence à leur bord quelques « décideurs » vautrés en classe affaires, pour que d’autres décideurs se demandent si l’internationalisation d’Airbus était vraiment bonne idée ?