L’automobile va mal. Le secteur tout entier est dans la panade, les constructeurs aussi bien que leurs sous-traitants. Les salariés de Renault et de PSA Peugeot-Citroën sont mis par milliers au chômage technique, quand ce n’est pas purement et simplement mis à la porte. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement a sorti sa traditionnelle botte secrète : la prime à la casse. Celle-ci est de 1 000 euros, quand elle s’élève, tout de même, à 2 500 euros en Allemagne. Les consommateurs qui, d’ordinaire, ont besoin d’un coup de pouce de l’Etat pour pouvoir changer leur vieux véhicule sont rarement les plus aisés. Et lorsqu’ils achètent un véhicule neuf, c’est tout aussi rarement un haut de gamme. Tant mieux, le segment des grosses berlines est le domaine réservé des Allemands, les 4×4 sont du ressort des Japonais ou des Coréens, les petites économiques demeurant LA spécialité française. La prime à la casse devrait donc logiquement permettre de soutenir les constructeurs hexagonaux et ainsi de faire redémarrer leurs usines. Fini le chômage technique, fini les licenciements, chez les constructeurs comme chez leurs fournisseurs. Et en effet, le marché français de l’automobile se porte plutôt mieux que ceux de ses voisins ou du Japon. Las, ce n’est pas aussi simple. Renault et PSA ont délocalisé la production de la grande majorité de leurs petits modèles : les C1, 107, Twingo, une bonne partie des Clio et des 207 sont désormais fabriquées en Slovaquie, en Slovénie, en Espagne et en Turquie. Seules exceptions, les C2 et C3 de Citroën, assemblées à Aulnay. Et sur ce site effectivement, le constructeur doit multiplier les samedis travaillés pour répondre à la demande. Quand Renault de son côté augmente les cadences de l’usine slovène de Novo Mesto, d’où sortent les Twingo et les Cio II* ! Ajoutons aux deux modèles Citroën le mini-monospace 1007 de Peugeot, plus cher, fabriquée à Poissy. Les acheteurs qui dispose d’un budget supérieur ne feront pas davantage travailler les ouvriers français : la nouvelle Mégane, la Modus ou encore les Picasso C3 et C4 sont aussi fabriqués à l’étranger. Au total, les deux tiers de la production automobile française s’effectuent aujourd’hui à l’étranger et un quart des importations de véhicules serait dû à des modèles Renault ou PSA « nés » à l’étranger. En résumé, si la prime à la casse bénéficie aux constructeurs français, ce ne sont pas, pour l’essentiel, les salariés des usines nationales qui en profitent. D’aucuns diront que d’une manière ou d’une autre, l’argent gagné à l’étranger bénéficie aux salariés français. Peut-être. Les actionnaires – l’Etat français notamment, qui détient toujours 15% de Renault – doivent aussi y trouver leur compte.
Il n’y pas si longtemps encore, les excédents des ventes d’automobiles à l’étranger compensaient les déficits creusés ailleurs. Ce n’est plus vrai. Reste l’aéronautique. Du moins tant que les usines récemment construites par Airbus et ses sous-traitants en Tunisie et surtout en Chine ne tournent à plein régime.

*La production de la Clio II sera finalement en partie rapatriée à Flins, tandis que Peugeot remet la 206 au goût du jour, en proposant la 206+, assemblée à Mulhouse.