L’AMF, l’Autorité des marchés financiers, est d’ordinaire appelée « le gendarme de la Bourse », cela pour que le vulgum pecus comprenne bien qu’on ne fait pas ce que l’on veut à la « corbeille ». Puisque l’AMF est un gendarme, elle doit faire appliquer la loi et sanctionner si nécessaire.
Il se trouve qu’il n’existe pas de loi pour ce qui est de la rémunération des dirigeants des entreprises cotées, mais simplement des recommandations édictées par le Medef, donc par les patrons eux-mêmes. La loi, c’est la loi, mais quand il n’y a pas de loi…
En pratique, ce fameux gendarme est donc chargé uniquement de faire des remarques, des observations, histoire de montrer qu’il n’est pas totalement inutile. Un peu comme si les gendarmes de la route, les vrais, se contentaient de faire observer aux conducteurs un peu trop pressés qu’ils avaient largement dépassé les recommandations de limitation de vitesse, recommandations pourtant formulées par les conducteurs eux-mêmes, ceux des plus grosses berlines en particulier.
Si la maréchaussée se montrait aussi conciliante sur la route, il ne ferait assurément pas bon prendre sa voiture, n’ont pas à cause de « la peur du gendarme » ou même de celle des radars automatiques, mais de celle des fous du volant de tout poil qui ne manqueraient pas de proliférer. Mais quittons la route, heureusement sans dommage, et retournons à la Bourse, aux entreprises et à ceux qui les dirigent.
Pierre-Henri Leroy, président d’une société de services aux actionnaires, nous apprend* que la non-Autorité des marchés financiers a fait observer, dans son rapport publié le 9 juillet dernier, que 40 % des soixante plus grosses entreprises françaises distribuent des stock options à leur patron, ce quels que soient leurs résultats, contrairement aux engagements pris. Il nous apprend également que 12 % de ces entreprises leur donnent plus de deux ans d’indemnité de départ et que, pour ce qui est des retraites, 40 % d’entre elles ne fixent aucune condition de présence dans l’entreprise. Pour 30 % de ces multinationales, ces retraites se calculent en outre sur une assiette de deux années seulement.
Bien entendu, l’AMF ne donne aucun nom, histoire que la hargne et l’aigreur populaire ne se focalisent pas sur des « champions tricolores » que managers et hommes politiques aimeraient tant voir admirés. Et que compte faire ce fameux gendarme de la Bourse pour mettre un terme au non-respect d’engagements pris, pourtant taillés sur mesure ? Rien, ou presque. Elle propose juste quelques pistes à suivre, quelques recommandations, histoire de pouvoir déplorer, l’année prochaine, que les grandes entreprises n’en ont tenu aucun compte.

*La Tribune, 11 août 2009