Danone vient d’annoncer la fin du partenariat de coentreprise qui l’unissait au Chinois Wahaha, mettant ainsi un terme au conflit qui les opposait depuis deux ans. Motif de la discorde : selon Les Echos, « le français avait accusé le géant chinois de la boisson de n’avoir pas respecté des clauses de non concurrence spécifiées dans leur contrat initial en montant, parallèlement aux 39 structures légales de la coentreprise, un réseau de plus de 60 usines et sociétés de distribution produisant et vendant, elles aussi, des boissons sous la marque Wahaha ».
Danone et nombre d’entreprises occidentales découvrent aujourd’hui que la Chine n’est pas l’Afrique et qu’elles ne pourront pas s’y implanter, y réduire les acteurs économiques locaux au silence et y monopoliser tous les marchés. Les vilains Chinois ne respecteraient donc pas les règles du jeu, édictées par les Occidentaux. Les fripons… Si les pays européens ont pu maintenir leur domination sur le continent noir après la décolonisation, en imposant des pouvoirs politiques tout acquis à leur cause et en maintenant les populations locales dans la pauvreté et son corollaire, l’ignorance, le décor est tout autre en Chine. Ils ont face à eux des interlocuteurs déterminés, qui n’ont aucune intention de devenir leurs vassaux, mais au contraire celle de rapidement prendre leur place sur la scène économique mondiale. Et comme les entreprises françaises, américaines, allemandes ou italiennes viennent tranquillement leur livrer, à domicile, les techniques, design et autres savoir-faire qui leur manquent pour y parvenir, ils travaillent pour leur propre compte, quand bien même devraient-ils parfois trahir leurs engagements.

Quelle contrefaçon ?
Pour lutter contre les quelques petits désagréments occasionnés par la mondialisation, les pouvoirs économiques et politiques occidentaux, français notamment, préconisent l’innovation et la préservation des savoir-faire. En clair, c’est en inventant de nouveaux produits, de nouvelles techniques, de nouveaux process, etc., mais aussi en « cultivant leur jardin » que les entreprises occidentales pourront être compétitives demain. Il s’agit là de la version officielle, car en pratique, c’est bien différent. Comment croire sérieusement en effet qu’en construisant des usines flambant neuves en Chine, en Inde ou même en Europe de l’Est, en recrutant et en formant sur place le personnel nécessaire à leur fonctionnement, ces entreprises continueront éternellement à préserver leur avance technologique, leurs savoir-faire ? La parade que les grandes marques qui ont délocalisé en Asie ont trouvée est de dénoncer la contrefaçon. Si parmi elles quelques-unes sont véritablement pillées alors qu’elles essaient coûte que coûte de préserver leur héritage et leur expérience en conservant leurs salariés en Occident, d’autres au contraire récoltent simplement ce qu’elles ont semé. Car il ne s’agit pas, dans ce cas-là, de contrefaçon, puisque les produits incriminés sont faits de la même façon, dans les mêmes usines que les produits officiels. Simplement, ceux-là ne sont pas écoulés par les circuits officiels, mais par des réseaux parallèles qui détournent à leur profit une partie de la production. Cela pour, ensuite, les brader sur les marchés domestiques des grandes marques en question. Et là, ça ne va plus. Que des vêtements, sacs, chaussures, lunettes ou autres jouets, prétendument haut de gamme, soient fabriqués pour trois fois rien, c’est très bien, à condition qu’ils soient toujours vendus aussi chers. Mais qu’ils soient proposés par d’autres à leur véritable valeur, c’est-à-dire trois fois rien précisément, sur leur propre marché, là pas d’accord…

L’ultime solution : le transfert de technologie
Danone est relativement protégée, car si elle a été « trahie » en Chine par son ex partenaire, elle a peu de risque — du moins aujourd’hui — de voir demain débarquer en France des soft drinks Danone siglés Wahaha. Mais pour les secteurs autres que l’agro-alimentaire ? Pour conquérir de nouvelles parts de marché, les champions high-tech tricolores — ceux qui devaient assurer notre supériorité sur les autres, qui eux devaient normalement s’en tenir à la confection de t-shirts et de chaussures bon marché —, nos champions donc disposent d’une arme absolue : le transfert de technologie. Demain, les Chinois n’auront même plus besoin de trahir leurs engagements pour concurrencer leurs modèles français. Ils auront juste à fabriquer leurs propres Airbus, sous un autre nom, et à les solder sur le marché européen. Ensuite arriveront les TGV coréens, puis peut-être les Rafale brésiliens… Les financiers-VRP qui négocient ces contrats ont probablement pris toutes les mesures contractuelles pour que cela n’arrive jamais. Mais lorsque cela arrivera pourtant, les chercheurs, ingénieurs, techniciens et ouvriers, créateurs et seuls vrais « propriétaires » des technologies transférées, les remercieront certainement d’avoir très concrètement contribué à la perte de leur emploi.