On ne peut pas vraiment dire que le dernier mois d’octobre ait Ă©tĂ© rigoureux. Il a mĂªme Ă©tĂ© plutĂ´t clĂ©ment, semble-t-il. Et pourtant, la France a dĂ©jĂ  dĂ» se rĂ©soudre Ă  importer de l’Ă©lectricitĂ© de l’Ă©tranger, dès ce dĂ©but d’automne. Comment expliquer cela, alors que notre pays possède le plus large parc nuclĂ©aire au monde après celui des Etats-Unis ? Il y a quelques annĂ©es encore, les exportations d’Ă©lectricitĂ© participaient d’ailleurs au rĂ©Ă©quilibrage de notre balance commerciale.
Il se trouve que sur les 58 centrales nuclĂ©aires françaises, une bonne quinzaine sont malheureusement hors service, pour diffĂ©rentes raisons. RĂ©sultat, les importations d’octobre ont  atteint 7 770 mĂ©gawatts, soit pas très loin des capacitĂ©s maximales d’importation du pays, qui s’Ă©lèvent Ă  9 000 mĂ©gawatts. La France Ă©tant d’ordinaire exportatrice, elle ne dispose pas en effet d’infrastructures suffisantes pour importer beaucoup. Que se passera-t-il alors si les prochains mois sont froids, voire très froids ? EDF sera obligĂ© de procĂ©der Ă  des dĂ©lestages, autrement dit Ă  des coupures d’Ă©lectricitĂ©, pour ne pas provoquer un black-out complet. Charmant pour toutes celles et ceux qui se chauffent Ă  l’Ă©lectricitĂ©. Et ils sont nombreux, puisque l’Hexagone dĂ©tient le record europĂ©en en ce domaine. En 2006, 66 % des logements neufs Ă©taient Ă©quipĂ©s de chauffages Ă©lectriques. Et c’est assez logique : fières de proposer de l’Ă©lectricitĂ© « bon marché » grĂ¢ce au nuclĂ©aire, les autoritĂ©s françaises ont privilĂ©giĂ© et privilĂ©gient encore ce type de chauffage, notamment parce qu’il permet d’importer moins de gaz. Sauf que, pour que cela fonctionne, il faut que les vieilles centrales nuclĂ©aires françaises soient opĂ©rationnelles, ce qui n’est plus le cas. Et pour quelles raisons ne le sont-elles plus ? Les retards de maintenance des centrales sont en gĂ©nĂ©ral avancĂ©s comme explication. Soit, mais alors pourquoi ces retards ? Selon la direction d’EDF, ce sont les grèves du printemps dernier qui en seraient la cause. Pour les syndicats, les causes sont le manque d’investissements et l’endettement record de l’entreprise.

Un scĂ©nario Ă  l’amĂ©ricaine ?
Quelles que soient la ou les explications, le rĂ©sultat est le mĂªme : ce qui fonctionnait hier ne fonctionne plus aujourd’hui. Et si ce sont quelques jours de grèves qui suffisent Ă  totalement dĂ©sorganiser la filière, c’est qu’il y a tout de mĂªme un lĂ©ger problème. Il n’y a pas si longtemps, on raillait d’ailleurs les Etats-Unis pour ce genre de petits soucis. Les difficultĂ©s rencontrĂ©es actuellement s’expliquent donc par l’Ă¢ge des centrales françaises et par leur manque d’entretien. Le salut peut donc venir des nouveaux racteurs de type EPR, prĂ©sentĂ©s comme la panacĂ©e par les autoritĂ©s, le constructeur et l’exploitant. Malheureusement, pour ceux-ci aussi, les problèmes se succèdent et les retards s’accumulent, en France et plus encore Ă  l’Ă©tranger. A cet Ă©gard, il est heureux que les EPR ne soient pas construits uniquement dans l’Hexagone, mais aussi en Finlande. Car dans ce pays, les liens Ă©troits qui unissent les pouvoirs politiques Ă  EDF et Ă  Areva n’existent pas. Si des problèmes de conception et de sĂ©curitĂ© se manifestent, ils sont et seront plus facilement dĂ©noncĂ©s — Ă  condition que la presse s’en fasse l’Ă©cho. Et il est plus difficile d’Ă©carter d’un revers de la main les critiques d’un gouvernement Ă©tranger pro nuclĂ©aire que celles de tel ou tel « groupuscule anti-nuclĂ©aire », comme on prĂ©sente volontiers celles et ceux qui les formulent.
Quant Ă  nous, pauvres citoyens frileux qui nous chauffons Ă  l’Ă©lectricitĂ©, nous n’avons plus qu’Ă  espĂ©rer de prochains hivers doux.