Qu’est-ce que la « marque France » ? S’agit-il d’évoquer ce que représente le pays lui-même, l’image qu’il véhicule ? S’agit-il de définir les qualités, les valeurs que les produits fabriqués en France sont censés avoir ? La lecture de l’étude réalisée par W&Cie et l’institut de sondage Viavoice, première vague du baromètre sur  la «marque France », ne nous éclaire pas beaucoup. Ce qui est évident en revanche, c’est que les Français ont une bien piètre opinion de leur Hexagone : moins compétitive, moins performante, peuplée d’assistés, la France n’est pas belle à voir pour une majorité d’entre eux. Réalisée en février dernier auprès d’un échantillon de 995 personnes « grand public » et de 400 cadres, cette étude révèle en effet que 64 % des Français et 66 % des cadres jugent la France mal armée dans la compétition mondiale. Cela est particulièrement vrai face aux Etats-Unis (à 70 %) et face aux pays asiatiques (67 %), un peu moins par rapport aux autres pays européens (44 %).
Le vieux rêve américain est donc toujours bien vivant, en France tout au moins ! La faillite en cascade des banques américaines, le marasme de l’immobilier, la déconfiture des Big Three (GM, Chrysler et  Ford), les déficits abyssaux de l’Etat fédéral, la banqueroute de nombreux Etats, l’endettement généralisé des particuliers, la dépendance vis-à-vis des capitaux venus de Chine, du Japon ou des pétro-monarchies, les bourbiers irakien et afghan, etc. Rien, rien n’y fait, même pas le combat que le président Obama mène pour donner aux habitants de son pays un minimum de protection sociale, auquel ceux des pays européens, de France en particulier, ont droit depuis plus d’un demi-siècle ! Non, les Etats-Unis restent l’Eldorado. Et à côté, la France fait pitié. Et les pays d’Asie ? Si la compétitivité est affaire de bas salaires, de charges, de taxes et d’impôts réduits au minimum, c’est certain : la France est moins compétitive que la Chine, l’Inde, le Viet-nam ou le Pakistan. Mais faut-il vraiment le déplorer ?
Quelle est en revanche la compétitivité de la France par rapport à la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou le Canada, autant de pays où il fait plutôt bon vivre ?

Salarié ou consommateur, il faut choisir
Pour 43% des cadres, les Français sont beaucoup trop assistés, et 35% d’entre eux trouvent le marché de l’emploi trop rigide. Certes. Mais cela ne les empêche pas d’estimer pour autant, et pour 51% d’entre eux, que le modèle social français est une force, grâce à laquelle la France à mieux résisté que d’autres à la crise économique mondiale. Une once de lucidité fait pourtant dire aux Français interrogés qu’ils devraient, peut-être, finalement, être un peu plus optimistes quant à l’état de leur pays. Les cadres, qui à 66% trouvent la France mal partie, estiment même à 51% que les Français devraient être plus optimistes ! Il doit y avoir une logique dans tout cela. mais quelle est-elle ?
Ce baromètre de la « marque France » – car la France est désormais une marque – fait apparaître que 68 % des Français et des cadres considèrent qu’il est préférable d’acheter français pour préserver des emplois. Bien. Mais ils ne sont plus que 45 % à le faire si cela coûte plus cher (37 % des Français n’achètent pas français si c’est plus cher). Consommateur ou salarié, il faut choisir…
Les Français interrogés estiment à 43 % (47 % des cadres) que les grandes entreprises tricolores — nos champions ! —  doivent faire un effort de pédagogie pour « mieux présenter leurs performances en rapport avec l’environnement économique français ». Ils souhaitent également que ces entreprises soient plus clairement des « ambassadeurs » de la « marque France ». Comment faire quand on appartient à des capitaux étrangers et que ses sites de production sont essentiellement hors Hexagone ? Selon les sondés, Renault est la marque qui porte le plus positivement l’image de la marque France. Alors que les deux tiers des véhicules de l’ex régie sont désormais fabriqués ailleurs, où c’est moins cher.
Pour Denis Gancel, président et fondateur de l’agence W&Cie, cette étude prouve qu’il est « urgent de formuler et d’expliciter les fondamentaux de la « marque France ». Il faut codifier et créer un territoire de marque fort, notamment pour le label « Fabriqué en France » ».
Le gouvernement a récemment confié une mission de réflexion au député et ancien ministre Yves Jego. Que va-t-il en sortir ? Les paris sont ouverts. Les fameuses grandes entreprises françaises sont paraît-il déjà à l’œuvre pour que ce label « Fabriqué en France » soit souple. Suffisamment en tous cas pour qu’elles puissent continuer à engranger de confortables marges, en produisant à bas coûts tout en vendant cher. Grâce à l’image gratifiante de la « marque France » justement. La beurre et l’argent du beurre, en quelque sorte.