« En France, on peut Ăªtre souverain et rester rĂ©volutionnaire ». C’est en tout cas ce que prĂ©tend Renault dans sa dernière publicitĂ©, qui explique ensuite sur une pleine page de magazine :
« Renault n°1 des ventes aux particuliers ; Renault n°1 des ventes aux entreprises ; n°1 des ventes de véhicules utilitaires », etc. En toute modestie…
Si l’on l’on consulte le classement des dix voitures les plus vendues en France en 2010, on remarque en effet que deux Renault figurent sur le podium (la Clio 2e et la Megane 3e), devancĂ©es cependant par le couple 206-207 de PSA.
Pourtant, si l’on prend la peine de regarder de plus près ce palmarès, on s’aperçoit que ces fanfaronnades sont sans doute exagĂ©rĂ©es. Seuls trois vĂ©hicules Renault — les Clio, Megane et Twingo, auxquelles on pourrait ajouter la roumaine Sandero — sont en effet classĂ©s parmi les dix meilleures ventes, contre cinq pour le groupe PSA (206-207, C3, C4, 308 et 3008). Surtout, si l’on excepte les Scenic comptabilisĂ©s avec les Megane, et une partie des Clio, aucun des modèles Renault les plus vendus dans l’Hexagone n’est assemblĂ© en France. A peine un tiers des Renault — dont l’Etat dĂ©tient toujours 15 % — sortent aujourd’hui des usines hexagonales. Et cela ne va pas s’arranger demain : construction d’une usine au Maroc ; importation prochaine de Samsung rebaptisĂ©es Renault, pour remplacer les Vel Satis — et peut-Ăªtre les Laguna — ; implantation de plusieurs centres de recherche Ă  l’Ă©tranger, etc. La situation est inverse chez Peugeot-CitroĂ«n, dont tous les modèles du classement sont produits en France, Ă  l’exception d’une partie des 207, tchèques, des C3 Picasso slovaques et des C4 Picasso espagnols. Aujourd’hui, environ 60 % de l’ensemble des modèles Peugeot-CitroĂ«n sont made in France.
La tendance naturelle des consommateurs est d’acheter en prioritĂ© les vĂ©hicules des marques nationales. Mais qu’en est-il lorsque ces vĂ©hicules sont en rĂ©alitĂ© produits Ă  l’Ă©tranger ? Il est ainsi très intĂ©ressant d’Ă©tudier la tendance des ventes de vĂ©hicules en France sur les trente dernières annĂ©es, grĂ¢ce aux chiffres Ă  mis disposition par le CCFA, le ComitĂ© des constructeurs français d’automobiles.
Et qu’observe-t-on ? Qu’en 1980, Renault commercialisait en France 759 312 vĂ©hicules, contre 685 318 pour son concurrent PSA (293 461 Peugeot et 270 983 CitroĂ«n). Dix annĂ©es plus tard, les ventes de la rĂ©gie s’Ă©tablissaient Ă  639 440, celles de PSA Ă  659 055 (498 481 Peugeot et 266 822 CitroĂ«n). En 2000, les chiffres Ă©taient de, respectivement, 602 415 contre 659 055 (397 547 Peugeot, 261508 CitroĂ«n). Et enfin, en cette fin d’annĂ©e 2010, 497 820 Renault ont Ă©tĂ© immatriculĂ©s, contre 400 663 pour Peugeot et 328 146 CitroĂ«n, soit au total 728 809 pour PSA. RĂ©sumons : en trente ans, les immatriculations de Renault en France ont chutĂ© d’environ 35 %, celle de PSA se sont maintenues, progressant mĂªme lĂ©gèrement.

Si cette tendance continue, non seulement Renault sera très largement dominĂ© par les deux partenaires de PSA, mais la seule marque Peugeot vendra demain plus de voitures que Renault. Les Français achètent donc de moins en moins de Renault. Pourquoi en effet continuer Ă  acquĂ©rir les modèles de cette entreprise, produits aux deux tiers Ă  l’Ă©tranger ? Autant choisir ceux de marques Ă©trangères, rĂ©putĂ©s plus fiables. Volkswagen a ainsi vendu 146 538 voitures en 2010, contre 75 727 en 1980 ; Opel 94 877 contre 32 702 et Toyota 67 311 contre 13 095. MĂªme Fiat, en mauvaise santĂ©, vend plus aujourd’hui (72 717) qu’en 1980 (53 147). Bref, Ă  part Rover, qui a disparu, Lada, Alfa Romeo et Lancia, seul Renault a vu sa part de marchĂ© se rĂ©duire considĂ©rablement.
Alors Renault, souverain en France ? Aujourd’hui, il est plus important de dire que faire. Et ça, Renault semble l’avoir parfaitement compris.