Etonnant comme le discours de certaines entreprises peut varier du tout au tout en fonction de leurs stratégies économiques. Il n’y a pas si longtemps, les constructeurs automobile se gaussaient volontiers des reproches faits par les opposants au tout-automobile, qui dénonçaient la pollution, les nuisances sonores et l’agressivité générés par la voiture, en ville notamment. A ces arguments, les industriels et leurs défenseurs vantaient les progrès accomplis en termes de motorisation, de consommation, de bruit, etc. En outre, celles et ceux qui imaginaient la ville sans les nuisances provoquées par les véhicules à moteurs essence ou Diesel étaient taxés de racisme anti-voiture — certains n’ont en effet peur de rien. On leur reprochait aussi d’être des rêveurs, inconscients des contraintes techniques, ignorants des enjeux économiques. Et accessoirement de mentir quant au prochainnsi assèchement des réserves de pétrole…
Et puis, petit à petit, les mentalités ont évolué. Les plus rétifs se disent aujourd’hui que, finalement, l’air pur et le calme en ville, pourquoi pas. Ils reconnaissent que l’on peut se sentir libre et autonome autrement que bloqués dans des bouchons en centre-ville, etc.
Conversion
Les industriels eux-mêmes ont changé leur fusil d’épaule, certains, comme Renault, se convertissant à la voiture électrique. Du coup, selon ce nouveau positionnement, les concurrents qui en sont encore au moteur à pétrole sont discrètement stigmatisés, en creux. Le souffle extraordinaire, un court-métrage en 3D produit par EuropaCorp (Luc Besson) et projeté dans les salles de cinéma, montre par exemple une course poursuite entre un bourdon et des pigeons. Le décor : une ville paisible et verdoyante où circulent des véhicules électriques, que Renault sera officiellement le premier à commercialiser en série dans quelques mois. Les murs, les balcons, les terre-plein de cette ville se couvrent ainsi d’herbe et de fleurs au passage de ces véhicules du futur. Sous-entendu : avant, avec les gaz d’échappement, l’environnement n’était vraiment pas à la fête. A présent, le silence et l’oxygène ne sont plus des préoccupations de bobos égoïstes et aisés, mais celles d’un industriel qui se soucie de la santé et des conditions de vie des citadins. Et c’est tout de suite beaucoup plus crédible. Message final du film : « Merci à tous ceux qui en changeant pour la voiture électrique vont changer nos villes et nos vies ».
Peut-être les tenants de l’énergie nucléaire opéreront-ils demain la même volte-face, lorsque, pour telles ou telles raisons, techniques ou économiques, ils se tourneront eux aussi vers les énergies renouvelables que promeuvent, depuis des années, les défenseurs de l’environnement. Pour l’heure, et dans un autre film diffusé en salle, Areva, le leader français de la spécialité, présente encore l’atome comme une source d’énergie d’avenir, « avec moins de CO2 ». Même si c’est avec beaucoup plus d’uranium.
Il est en effet très étonnant de voir le peu de réaction du monde politique pour commenter les résultats de 2 ans de soutien à l’industrie automobile à travers, entre autre, le dispositif de prime à la casse. Un dispositif qui avec le recul mériterait d’être rebaptisé “prime à la consommation irresponsable”.
Au rang des accusés, je positionnerai en revanche, loin devant l’Etat, les constructeurs automobiles eux-même, qui en multipliant leurs offres commerciales autour du dispositif prime à la casse, sont de très loin les premiers coupables des dérives observées! Initialement fixée à 1000€ (puis 750€ au 1er janvier 2010 pour tomber à 500€ les 6 derniers mois de l’année 2010), cette prime n’aurait du, en théorie, concernée que les propriétaires de véhicules ne valant guère plus. La faute à un puissant lobby industriel, elle n’était applicable que pour l’achat d’un véhicule neuf (objectif : écouler coute que coute une production automobile de masse en décalage totale avec les évolutions sociétales de ces dernières années. Nombre de ménages préférant désormais privilégier bien d’autres postes budgétaires qu’un tas de ferraille qui passe > 95% de son temps à l’arrêt), quant bien même il aurait été bien plus efficace, pour épurer par le bas un parc automobile vieillissant, de l’élargir à l’achat d’un véhicule d’occasion récent (< 2 ans), bien plus en phase avec les capacités financières des ménages à tout petit revenu.
Car le plus dramatique dans cette affaire, c’est que non seulement la prime à la casse telle que nous l’avons vécue est une hérésie environnementale, elle aura contribué pendant 2 ans à faire en sorte que l’automobile soit désormais un formidable facteur d’inégalités sociales : en offrant “aux riches” la possibilité de renouveler leur voiture de moins de 10 ans (merci Citroën, merci Renault…) par une plus récente, toujours plus sophistiquée, l’écart avec les ménages en situation de grande précarité n’aura fait que se creuser! D’autant plus, faut-il le rappeler, que les véhicules repris ont tous fini à la casse, certains avec 100 000km au compteur, un carnet d’entretien parfaitement à jour et une monte pneumatique à faire réver bon nombre de travailleurs pauvres.
Reste alors à attendre que tous ces véhicules neufs, bourrés d’électronique, arrivent sur le marché de l’occasion d’ici 3 à 5 ans, ce qui permettra “aux pauvres” d’enfin envisager le remplacement de leur “Supercinq five” affichant plus de 250 000km au compteur par un véhicule plus récent. Des véhicules, qui comme la majorité des autres biens de consommations devenus au fil des ans des bien de consommations jetables avant d’être réparables, leur coûteront vite un bras sinon deux à la moindre panne électronique que même les mécanos n’en veulent plus de ces bagnoles là…
Voilà, inutile d’en rajouter. Après n’avoir rien vu venir de la révolution de Jasmin en Tunisie, ca sera bientôt au tour du peuple français de prendre par surprise ses dirigeants pour les déloger de là où ils sont et tenter de les ramener à la réalité de ce que les citoyens vivent dans un pays où tous les ingrédients d’une profonde révolte sociale sont désormais réunis.
N’oublions pas le rôle plus que majeur de l’Etat dans cette vaste tromperie!!!
En effet, cette prime à la casse et ce bonus écologique étaient soi-disant censés permettre aux usines de travailler et au parc automobile français vieillissant de se renouveler par l’achat de véhicules moins polluante notamment grâce aux petits modèles… Quelle duperie absolue…
Quand on sait que la plupart des petits modèles des constructeurs français (surtout Renault) sont construits à l’étranger dans des pays à faible coût de main d’œuvre et que ce sont ceux qui se sont vendus le plus en France, l’Etat qui rappelons-le est encore actionnaire majoritaire de Renault à hauteur de 15 % de son capital a donné du travail aux usines, c’est vrai, mais seulement pas aux nôtres… En effet, il n’a fait que financer et renforcer les usines de Roumanie, Turquie, Slovénie et autres… abandonnant à leur triste sort les salariés de Sandouville (par exemple) où est encore produit le haut de gamme de la marque (Laguna, Espace excepté la nouvelle Latitude fabriquée en Corée comme le Koléos d’ailleurs)…
Et que dire de l’argument écologique si ce n’est qu’il est totalement fallacieux et balayable d’un revers de main… En effet, si on devait évaluer le bilan carbone d’une voiture utilisée par un particulier pendant 20 ans et celle d’une voiture renouvelée tous les 3 à 5 ans par un autre particulier, il est évident que celui qui mériterait le bonus serait celui qui garderait sa vieille auto le plus longtemps possible. Le peu de diminution de pollution à mettre au bénéfice des nouvelles motorisations ne souffre d’aucune comparaison avec la pollution générée par le changement de véhicule régulier entre le pétrole et les matériaux consommés pour fabriquer le nouveau véhicule et le “véhicule déchet” à traiter en fin de vie…
Il n’y a qu’à voir les casses automobiles qui en fin d’année 2010 étaient totalement saturées (notamment de véhicules encore en état de marche) et qui avaient hâte que la prime se termine.
Bilan de tout cela? On a d’un côté des entreprises qui ont adopté une stratégie visant la pleine rentabilité au mépris de tout le reste, peu scrupuleuses des conditions de travail de leurs salariés et avec peu ou pas d’éthique concernant la fabrication de leurs produits… Et de l’autre un Etat qui devait, nous disait-on, opérer une révolution verte et qui finalement nous incite toujours aujourd’hui à changer de véhicule encore et encore (usant et abusant de tous les subterfuges possibles: bonus écologique, prime à la casse, disparition progressive de SP95 au profit du E10), complice et même partie prenante dans certains cas de cette mondialisation dont les conséquences dramatiques se font ressentir déjà depuis quelques années… Je veux bien-sûr parler des délocalisations en pagaille qui sont désastreuses pour notre pays…
Et malheureusement en fin de chaîne le consommateur qui au mieux est perdu dans la jungle des produits qui lui sont proposés et au pire est totalement indifférent à la provenance de ce qu’il achète car attiré seulement par les prix les plus bas… Tout cela participant bien évidemment de l’engraissement du mammouth notamment asiatique…
En ce qui me concerne, je n’ai toujours eu que des Renault… Cette marque a toujours été chère à mon cœur car elle représentait jusqu’à maintenant un des fleurons pour ne pas dire l’emblème de l’industrie française de par son histoire aussi bien sociale avec les luttes des ouvriers à Billancourt que technologique avec ses nombreux modèles mythiques ou ses trophées dans les sports mécaniques qui ont fait rêvé des générations entières de petits garçons dont j’ai fait partie… Bref une fierté nationale… Aujourd’hui, je le dis avec tristesse mais je ne pense pas que j’achèterai une Renault la prochaine fois que je changerai de véhicule car cette entreprise a bafoué pour moi les valeurs qui ont fait sa renommée française et internationale… J’irai voir ailleurs mais j’achèterai évidemment une voiture encore fabriquée en France, cela va de soit… A bon entendeur chez Renault et chez ceux qui nous dirigent, votre stratégie n’est pas la bonne, croyez-moi!!!