La France ne va pas bien du tout. Le dernier rapport du mĂ©diateur de la RĂ©publique fait du pays un portrait affligeant, oĂ¹ il ne fait plus vraiment bon vivre… Symbole de ce triste Hexagone : les voix humaines qui, au bout du fil, ont Ă©tĂ© remplacĂ©es par celles de robots. Plus une minute d’attente dĂ©sormais, la rĂ©ponse est instantanĂ©e… Mais ensuite la pauvre machine ne peut que rĂ©pĂ©ter « tapez 1, tapez 2, tapez 3 ». Plus moyen d’expliquer Ă  quelqu’un de bien vivant son cas particulier… Peu importe, ça permet de faire des Ă©conomies, et c’est bien lĂ  l’essentiel. Ici et maintenant, les plus modestes, les laissĂ©s-pour-compte et les « dĂ©classĂ©s » sont en permanence confrontĂ©s aux effets des dĂ©cisions prises par d’autres, qui eux ne les subiront jamais. Par une rĂ©action humaine et malheureuse, une frange de cette France fragilisĂ©e s’en prend Ă  de plus pauvres, de plus perdus qu’eux, comme d’aucuns les encouragent Ă  le faire. Ce faisant, en plus de sanctionner ceux qui, dans les entreprises ou l’Etat, licencient Ă  tour de bras, ils punissent des hommes et des femmes qui, pour l’essentiel, sont Ă©trangers Ă  leur propre dĂ©tresse. Jean-Paul Delevoye, le mĂ©diateur de la RĂ©publique, cite le gĂ©nĂ©ral de Gaulle dans l’Ă©ditorial qui ouvre son rapport : « Quand les Français croient en la grandeur de la France, ils font de grandes choses ; quand ils se sentent abandonnĂ©s, ils font de petites choses. »

Savoir-faire mondialement reconnu
Que faut-il Ăªtre ou faire aujourd’hui pour avoir quelque chance de trouver sa place dans notre joli pays ? Tout d’abord, Ăªtre bien nĂ©, c’est essentiel. Ensuite, Ăªtre patiemment formatĂ© pour afficher une assurance sans faille, vouer un culte Ă  la concurrence et Ă  la performance, aimer l’argent et le patrimoine. Mais cela ne suffit pas : il faut aussi respecter l’autoritĂ© et ses dĂ©cisions, Ăªtre docile, conformiste et conservateur, n’avoir ni Ă©tats d’Ă¢me ni idĂ©aux, etc. Quelles que soient leurs spĂ©cialitĂ©s, les cursus Ă©ducatifs dits supĂ©rieurs dispensent en « tronc commun » le mĂªme bouillon stĂ©rĂ©otypĂ©, qui rabote tout ce qui dĂ©passe et modèle de bons consommateurs, qui peuvent pour les « meilleurs » d’entre eux aspirer aux plus belles carrières. La France, pays des droits de l’homme, s’est mĂªme fait une spĂ©cialitĂ© dans la rĂ©pression* de ceux qui ne marchent pas dans les clous. Un savoir-faire que l’ex-ministre des Affaires Ă©trangères se proposait d’ailleurs d’exporter en Tunisie.
Le doute, le dĂ©sintĂ©ressement, la modestie, l’altruisme, la solidaritĂ©, la compassion, l’originalitĂ© et l’autonomie, la personnalitĂ© ou la curiositĂ©, tout ce qui peut faire de grands hommes, sont depuis longtemps passĂ©s de mode. Ce sont mĂªme dĂ©sormais des traits de caractère qui font obstacle Ă  toute rĂ©ussite sociale.
Dans Ma part du gĂ¢teau, le dernier film de CĂ©dric Klapisch, Gilles Lellouche est promu par son patron parce que c’est un « very bad guy », un vraiment sale type. Peu importe qu’il soit le dernier des pourris, puisqu’il lui rapporte un maximum de thunes. Un de ces collègues est en revanche constamment moquĂ©. On le surnomme « l’humaniste »… Bien sĂ»r, ce n’est que du cinĂ©ma, bien intentionnĂ© qui plus est. Pourtant, quels sont les profils des hommes et des femmes Ă  qui sont confiĂ©es les plus hautes responsabilitĂ©s aujourd’hui ? Des humanistes ou des very bad guys ? Et si l’Hexagone est au bord du burnout Ă  qui le devons-nous ?

Les Escadrons de la mort (2003), de Marie-Monique Robin, est Ă©galement diffusĂ© sur la chaĂ®ne Toute l’histoire, le samedi 26 mars Ă  22 h 35.