Environ 160 députés, de tous bords, viennent de demander à Air France-KLM de se fournir en priorité chez l’Européen Airbus pour la fourniture d’une centaine de nouveaux longs-courriers. Le porte-parole du gouvernement s’est empressé de répondre qu’en tant qu’actionnaire, l’Etat serait vigilant, mais qu’il fallait avant tout respecter les règles de la concurrence édictées par l’OMC.
Si les Etats sont tenus de respecter — voire de se soumettre à — des règles commerciales internationales, la volonté qu’il en soit ainsi ne date pas d’hier. En 1967, Georges Pompidou — qui aurait eu 100 ans cette année —, alors Premier Ministre du général de Gaulle, déplorait en effet l’absence de concurrence dans l’Hexagone et présentait la France des années 1945-1970 comme celle des assistés et du petit business peinard, protégé par l’Etat et les frontières. Aussi appelait-il de ses vœux la concurrence et son corollaire : le risque permanents (voir la vidéo).
Pour certains, ce sont le relâchement des mœurs et l’abandon des valeurs traditionnelles — famille, solidarité, effort, travail, mérite, discipline etc. —, conséquences de Mai 68, qui ont mis un terme à la période bénie des Trente Glorieuses. Pour d’autres, c’est le choc pétrolier de 1973 qui nous a fait basculer dans une autre époque. Encore faut-il à cet égard s’entendre sur les vraies raisons de ce choc pétrolier : rébellion des pays de l’OPEP ou action conjointe de ce « cartel » avec les grandes compagnies pétrolières anglo-américaines ?
Il est probable que les uns et les autres fassent fausse route : la mise à mort des Trente Glorieuses, de la croissance, de l’essor industriel et du plein-emploi a tout simplement été décidée par certains membres des pouvoirs politique et économique, et ce dès la fin des années 1960.
Symbole de cette volonté, 1973 : outre la montée en flèche des prix du pétrole, cette année marque en effet la mise en place du « flottement généralisé » des monnaies. C’est en 1973 également qu’entre en application la loi « Pompidou-Giscard », qui oblige l’Etat à emprunter — contre intérêts — auprès des banques privées et non plus — gratuitement ou presque — auprès de la Banque de France. Un texte à l’origine de l’essentiel de la dette actuelle de l’Hexagone, que Giscard s’empressera d’introduire en 2005 dans son projet de Constitution européenne. Et dire que d’aucuns considèrent encore l’Anthologie de la poésie française comme l’œuvre majeure de M. Pompidou !