Superbes moufles Agnelle en mouton, fabriquées aux Philippines. © LFH

Après le « Produire localement, mais ailleurs », voici le « Produire en France, mais pour d’autres »…
Une courte halte à Saint-Junien — véritable capitale française de la ganterie, contrairement à Millau, selon une postière croisée dans la rue ! —, est l’occasion de rendre une petite visite à l’entreprise Agnelle.
D’ordinaire, une vingtaine de personnes — coupeurs et piqueuses — s’activent dans l’atelier, au rez-de-chaussée du bâtiment. Impossible malheureusement de le visiter, les clients de l’entreprise souhaitant préserver leurs « secrets » de fabrication. Car si Agnelle confectionne toujours des gants en France, ce n’est pas pour son propre compte, mais pour celui de prestigieux donneurs d’ordres. C’est à Saint-Junien en effet que sont coupés et cousus les modèles de Dior, de Vuitton ou encore de Ralph Lauren. Hermès fait quant à elle fabriquer les siens à une centaine de mètres de là, par la Coopérative de Saint-Junien, qui lui appartient — et qui malheureusement est fermée pour cause de vacances d’été lors de notre escale limousine.
Quid des gants qui portent la griffe Agnelle ? Tous ou presque arrivent des Philippines. Sans doute le climat extrêmement rigoureux de cet archipel asiatique a-t-il obligé ses habitants à développer, au fil des siècles, un savoir-faire inimitable en termes de confection de gants et autres moufles !
L’aimable personne qui nous reçoit chez Agnelle est très embarrassée : ça ne l’amuse visiblement pas beaucoup de devoir rester suffisamment évasive pour que les acheteurs croient que les gants Agnelle, vendus dans la petite boutique d’usine, sont eux aussi produits dans l’atelier en dessous. Le plus étonnant est qu’aucune indication quant au pays de fabrication ne figure à l’intérieur des gants. Aucune trace des Philippines…
Admettons que la volonté de tromper le client ne soit pas délibérée : après tout, le nom « France » n’apparaît nulle part, lui non plus. En revanche, la petite étiquette, sur laquelle est inscrit « Agnelle since 1937 », ne peut que laisser croire que les gants Agnelle sont effectivement made in France, depuis 1937.
D’aucuns diront que le design et le cuir sont français. D’autres ajouteront que l’argent gagné grâce à la commercialisation de gants produits ailleurs pour pas cher permet au moins de préserver l’emploi et le savoir-faire des femmes et des hommes qui, en France, à Saint-Junien, continuent de peaufiner les collections des marques de luxe. C’est probablement vrai, mais pour ce qui du consommateur, cela manque sérieusement de transparence.

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