Même s’il est né de l’autre côté de la frontière, quelque part en Wallonie, Philippe Gaber n’en est pas moins plus parisien que nombre de celles et ceux nés sur les rives droite ou gauche de la Seine. Il l’est d’abord parce qu’il a choisi de vivre dans cette ville il y a dix ans. Il l’est ensuite parce qu’il y travaille. Il l’est enfin, et peut-être surtout, parce qu’il déploie toute son énergie pour faire vivre le savoir-faire vestimentaire de celle qui est censée être, encore aujourd’hui, la capitale mondiale de la mode.

Valse d’étiquettes
Après avoir travaillé pour d’autres, en Belgique puis à Paris, il décide de se consacrer à son projet: créer sa propre marque. Depuis un peu moins de un an, Philippe Gaber dessine et fabrique, de ses mains, des vêtements et accessoires pour homme, dans le 11e arrondissement de Paris. Peut-être est-ce une réaction à l’une des attributions qui lui furent confiées alors qu’il était encore stagiaire : enlever les étiquettes made in China pour les remplacer par des made in France ! Loin de se prêter à ce genre de détestables tours de passe passe, Philippe Gaber recherche au contraire l’authenticité. Et pour ce faire, il n’hésite pas à chercher, à fouiner ici et là, chez des tailleurs notamment, pour y dénicher parfois des pépites. Et remonter le temps. Certaines de ses écharpes sont ainsi confectionnées dans de la laine, de la soie ou du mohair tissés en France dans l’entre-deux-guerres. Car si la confection française est aujourd’hui marginale, la fabrication de tissu l’est sans doute tout autant. « Pour nombre de produits, il n’existe plus de fournisseurs français. Il faut donc se résoudre à chercher ailleurs. » Le jersey bio de ses t-shirts vient ainsi de Turquie, comme la toile coton-chanvre de ses jeans.
Philippe Gaber travaille en toute petites séries et sur commande. Comme il le dit lui-même : « Vous commandez et c’est moi qui fabrique ! » Il n’a, à aucune étape du processus de fabrication, recours à un de ces ateliers « parisiens » où s’entassent des travailleurs « importés », souvent clandestins, qui produisent dans des conditions déplorables des produits qui porteront l’étiquette made in France.

Très cher label
Pour se distinguer de ces marchandises à bas coûts produites à Paris, Philippe Gaber a souhaité faire labelliser sa production ; il s’est pour cela renseigné auprès des instances du nouveau label « Origine France Garantie », lancé en grande pompe en mai 2011. Devis approximatif de la certification proposé par Bureau Veritas — groupe international, propriété à 51,2 % de Wendel Investissements, que dirigeait jusqu’en 2005 l’ex patron des patrons Ernest-Antoine Sellières de Laborde, accessoirement héritier de la famille Wendel — : 3 500 euros.
Autant dire que les créations de Philippe Gaber ne seront jamais certifiées ! Cette « Origine France garantie », le créateur-styliste-fabricant-belgo-parisien l’offre en conviant ses clients à son atelier, pour prendre des mesures par exemple. Bien pratique lorsque l’on veut se faire confectionner une chemise. A noter, pour ceux qui ne peuvent se déplacer, que trois longueurs de manches sont, d’office, proposées pour les chemises.
Mise à part la satisfaction de créer et de produire de ses mains pour des clients uniques, identifiés, avec des visages et des noms, quelle est la finalité du projet de Philippe Gaber ? « J’aimerais redonner à mes clients la notion de valeur, de savoir-faire. Qu’ils aient à nouveau conscience du travail, du temps, des délais qui sont nécessaires pour fabriquer un vêtement ; qu’ils sachent aussi reconnaître la qualité d’un savoir-faire et celle d’un tissu. »
Et prouver également qu’il est possible de fabriquer intégralement sur Paris, dans des conditions sociales normales, à partir de matières premières de qualité, sans pour autant pratiquer des tarifs prohibitifs.