Le 8 février dernier passait sur France 2 le dernier épisode des Hommes de l’ombre, série politique réalisée dans l’Hexagone. Le lendemain sur Arte débutait Borgen, une autre série politique, mais de nationalité danoise. Points communs des deux productions : elles relatent l’accession au pouvoir de deux femmes. Ode à la modération, à la tempérance, aux vertus familiales et maternelles ? Remède aux excès des hommes qui, détenant quasiment tous les leviers politiques, économiques, scientifiques et autres, doivent bien en effet avoir une petite responsabilité aux malheurs qui nous accablent ? Ajoutons que non seulement les deux premiers rôles sont des femmes, mais qu’en plus elles sont centristes. Là aussi pondération, équanimité, refus des extrêmes, etc., qui doit conduire au compromis et au bonheur du plus grand nombre. Soit. Sauf qu’à retourner les étiquettes des partis politiques aux affaires ici et là en Europe, on s’aperçoit que nombre parmi eux revendiquent déjà leur « centritude ». Au centre gauche pour certains, au centre droit pour d’autres… Et puis peut-être faudrait-il consulter les Grecs et les Irlandais quant à la souplesse et à la compréhension dont sait faire preuve Mme Merkel. Ou encore rappeler la légendaire humanité de Margaret Thatcher…

En jet ou à vélo ?
Mais si ces deux série télé présentent des similitudes, elles révèlent aussi bien des différences. Que montrent-elles ? Du côté des Hommes de l’ombre, les ors de la république ; les équipes de campagne pléthoriques ; les meetings à l’américaine ; le champagne qui coule à flots ; les voitures de fonction avec gendarmes et sirènes ; les déplacements en jet privé ; les journalistes révérencieux — ou virés s’ils ne le sont pas… Côté Borgen, des consultations-tractations organisées dans de simples salles de réunion ; une candidate qui se rend au « Château » à vélo ; des journalistes qui ne posent pas les questions prévues et qui coupent le micro du candidat qui ne respecte pas son temps de parole ; un premier ministre qui démissionne pour avoir utilisé l’argent — 10 000 euros — du contribuable pour payer, provisoirement, les frasques de sa femme…
Mais également, côté français, des conseillers en communication qui dictent à leur candidat la même conduite, les mêmes mots, qui appliquent les mêmes stratégies. Une jeune femme, « la meilleure plume de Paris », qui révèle sur l’oreiller d’un de ces conseillers ce que le conseiller adverse lui a préalablement avoué, sur un autre oreiller. Démasquée, elle conservera malgré tout son salaire et sera bien vite pardonnée… Côté danois, un spin doctor remercié sur-le-champ pour avoir lui aussi ébruité ce qu’il devait garder pour lui. Car les traîtrises, les coups bas, les ralliements, les reniements, les mensonges existent dans les deux pays. Homme ou femme, brun ou blond, noir ou blanc, un homme reste un homme. Mais dans le premier cas ses manquements ne sont pas sanctionnés — ou réglés en coulisse, à l’amiable. Dans le second, ils le sont immédiatement. Ce que mettent en lumière ces deux productions télévisuelles, c’est le fossé qui existe entre ce que peut se permettre le pouvoir politique en France — et ce qu’on tolère de lui ! — et ce qu’il a le droit de faire au Danemark. Ici la liberté d’action, là la surveillance stricte et permanente. Les Hommes de l’ombre ne dépassent en rien la réalité ; il suffit pour s’en convaincre de suivre chaque jour l’actualité hexagonale…  Borgen est également fidèle à ce qu’un documentaire, télédiffusé il y a quelques mois, décrivait du quotidien des femmes et hommes politiques suédois. Dans cet autre pays scandinave, chaque contribuable peut s’il le désire demander le relevé détaillé des dépenses engagées par les ministres et leurs collaborateurs. Ces compte rendus sont à disposition à l’accueil des ministères, dans de quelconques immeubles de centre-ville. Un autre monde, à quelques centaines de kilomètres seulement de Paris et de ses luxueux palais ministériels.

L’exception française
Globalement, les pays du Nord de l’Europe offrent à leurs habitants des salaires moyens supérieurs aux autres. Plus on se dirige vers le sud — et vers l’est —, plus ce salaire baisse. Une exception cependant : le salarié moyen français gagne nettement moins que son équivalent danois, mais le premier d’entre eux (et ses collaborateurs) figure parmi les mieux rémunérés au monde. Il apparaît même en tête de liste des chefs d’Etat de pays développés qui gagnent le plus par rapport au niveau de vie de leur population.
Deux référendums populaires sont annoncés
quant au sort qu’il convient de réserver aux chômeurs et aux immigrés. Pourquoi ne pas en ajouter un troisième, qui concernerait le maintien ou non des prébendes dont jouissent ceux qui sont censés veiller au bien commun ? Histoire de montrer l’exemple et de se rapprocher, un peu, de la vertueuse Europe du Nord…