Chacun sa maison, son appartement ! La France se devait d’être un pays de propriétaires. Patatras : la dernière étude « Conditions de vie et aspirations » du Crédoc montre que seuls 19 % de la population rêvent aujourd’hui d’une telle France. Ils sont en revanche 81 % à rêver d’un Hexagone où tout le monde pourrait bénéficier d’un « logement confortable pour un coût raisonnable ».
Des années de subventions à l’immobilier pour en arriver là ! Mais pas seulement, malheureusement. Depuis 1990, la proportion des Français les plus aisés qui sont propriétaires est en effet passée de 62 % à 73 % ; celle des foyers modestes a chuté de 50 à 31 %. Tous propriétaires ?
Un fossé semble s’être creusé entre ceux qui possèdent leur logement et ceux qui le louent : les premiers disposent de revenus supérieurs, ils vivent le plus souvent en couple, consacrent plus d’argent à l’alimentation, à la santé, à la culture et sont plus optimistes quant à l’avenir. Souvent seuls avec des revenus inférieurs, les seconds sont a contrario plus inquiets : peur de la maladie, de l’accident, du chômage. Rien d’étonnant à cela puisque le rôle principal de l’achat est d’assurer un toit en cas de coût dur. Selon le Crédoc, ce sentiment de bien-être des propriétaires est essentiellement dû à l’augmentation des prix de l’immobilier. En effet, avec cette hausse démesurée (+ 250 % entre 1996 et 2011), les propriétaires ont vu leur patrimoine progresser plus vite que les revenus. Ils vivent par conséquent avec un sentiment de richesse et de sécurité, même si cet enrichissement ne se concrétise que lors de la vente du logement. Ils ont tendance à adapter à la hausse leur niveau de vie et leurs dépenses. A l’inverse, les locataires subissent les augmentations de loyers — même incomparablement plus raisonnables — alors que leurs revenus stagnent ou régressent. D’où leur sensation légitime d’appauvrissement.
On peut cependant se demander si les propriétaires ne vivent pas un bonheur virtuel alors que les locataires sont chaque jour confrontés à la réalité. Que le marché de l’immobilier se retourne, que la presse titre des mois durant sur la chute des prix et nous verrons alors probablement l’optimisme et la peur changer de camps.
Cela explique-t-il le revirement des Français quant à l’accession à la propriété ? Est-ce la raison pour laquelle ils pensent aujourd’hui qu’il est préférable d’être bien logé au juste prix, même s’il faut pour cela rester locataire, plutôt que de devenir coûte que coûte propriétaire ? Peut-être. Si l’on se fie à une étude 2007 de l’Insee et qu’on la rapproche des situations économiques des membres de l’Union européenne en 2012, ils ont raison. Selon ce document, les pays qui se portent le mieux aujourd’hui sont majoritairement peuplés de locataires. Ce que confirmerait la Suisse, si elle faisait partie de l’UE…
Les Français doivent-ils continuer à s’endetter sur vingt-cinq ans pour ressembler aux Roumains, aux Hongrois, aux Espagnols ou aux Grecs, ou doivent-ils se contenter de louer comme les Suisses, les Allemands, les Autrichiens ou les Hollandais ?