Ah, les voitures allemandes ! Leur image de marque, leur finition, leur puissance… Y a pas mieux ! En France — mais pas seulement —, dès qu’un automobilisme a quelque argent, il se tourne avec envie vers les productions d’Outre-Rhin. Pourquoi ne pas payer plus cher pour se faire plaisir et bĂ©nĂ©ficier, en prime, d’une meilleure fiabilitĂ© et d’un prix de revente potentiel plus Ă©levĂ© ? Sans oublier bien sĂ»r le signe de rĂ©ussite sociale… RĂ©sultat, alors que la crise sociale s’installe, les ventes de grosses voitures allemandes ont progressĂ© dans l’Hexagone au cours du 1er trimestre 2012. Sur la mĂªme pĂ©riode, celles des françaises se sont effondrĂ©es.
VoilĂ  pour « l’image de Wolfsburg » ou de « Stuttgart », Ă©quivalents germaniques de l »« image d’Epinal »…
Qu’en est-il en rĂ©alitĂ© ? Pour ce qui est du standing affichĂ©, rien Ă  dire : das Auto en jette beaucoup plus que la « caisse Ă  la française ». Idem pour la finition et la puissance : logique, puisque les Allemands sĂ©vissent essentiellement dans le haut de gamme. En revanche, du cĂ´tĂ© des petites populaires, la qualitĂ© de fabrication d’une Polo est-elle supĂ©rieure Ă  celle d’une 208 ? Pas sĂ»r.
Les enquĂªtes de fiabilitĂ© dont nous abreuve la presse française sont très souvent reprises d’enquĂªtes made in Germany. ForcĂ©ment, mieux vaut recueillir l’avis des automobilistes les plus exigeants, autrement dit ceux du pays oĂ¹ l’automobile est reine… Et en Allemagne, forcĂ©ment, les Volkswagen, BMW, Mercedes et autres Audi sont rĂ©putĂ©es les meilleures. Un point c’est tout. Le groupe allemand Motorpresse, qui possède en France L’Automobile Magazine, Ă©dite nombre de journaux en Europe, en Espagne notamment. Et dans tous ces pays, si la rĂ©putation des vĂ©hicules allemands est exemplaire, celle des français est dĂ©plorable.
Traversons la Manche, oĂ¹ le groupe Motorpress est absent. DĂ©taillons la dernière Ă©tude de fiabilitĂ© rĂ©alisĂ©e par le site What Car ? auprès de conducteurs britanniques, appelĂ©s Ă  juger leur propre vĂ©hicule. Que nous montre-t-elle ? Que pour ne pas avoir de souci avec sa voiture, mieux vaut acheter japonais ou corĂ©en ; qu’il est Ă©galement prĂ©fĂ©rable de choisir CitroĂ«n ou Peugeot plutĂ´t qu’Audi, BMW, Mercedes-Benz ou Volkswagen ; enfin, que Renault est malheureusement fidèle Ă  sa — mauvaise — rĂ©putation.
Pourtant, si l’on passe au crible les diffĂ©rents « classements » opĂ©rĂ©s par les journalistes-essayeurs de ce site, on remarque que les voitures allemandes sont plĂ©biscitĂ©es. Mais quel sera le verdict des propriĂ©taires dans cinq ans, lors de la prochaine enquĂªte de fiabilitĂ© ?
Si les constructeurs français ont un handicap, il se mesure surtout en termes de prestige, de sĂ©duction. Quelles que soient leurs qualitĂ©s respectives, une allemande fait plus envie qu’une française, sur quatre roues en tout cas. Et si une VW se revend effectivement plus cher qu’une Peugeot, elle est aussi plus onĂ©reuse Ă  l’achat et Ă  l’utilisation. Pas plus fiable, elle est bien plus coĂ»teuse Ă  entretenir et Ă  rĂ©parer.
Enfin, il est illusoire de croire que rouler allemand permet de se distinguer : la majoritĂ© des « gens qui ont rĂ©ussi » conduisent des Mercedes, des BMW ou des Audi. Finalement, il est beaucoup plus original de gagner très confortablement sa vie et de possĂ©der une CitroĂ«n. En fait, il n’est pas question de se diffĂ©rencier en achetant allemand, mais au contraire d’afficher son appartenance sociale. Et si les « jeunes des banlieues» sont raillĂ©s pour leurs jogging, leurs casquette et leurs baskets, les habitants des zones privilĂ©giĂ©es se fĂ©licitent de tous rouler dans les mĂªmes 4×4, grosses berlines, coupĂ©s-sports ou citadines « premium »… A chacun son uniforme.
Il n’est pas certain que la mention made in France apposĂ©e sur la toute nouvelle 208 suffise Ă  changer cette coutume des beaux quartiers. C’est bien dommage pour l’Ă©conomie hexagonale.