Il y a six ans environ, lorsque nous avons commencé notre travail de recensement des entreprises qui fabriquent en France, c’était pour beaucoup une bien étrange idée. Mi-2008, quand La Fabrique hexagonale a été mise en ligne, elle a parfois été perçue comme un repaire de franchouillards frileux, xénophobes sur les bords. Puis la perception a heureusement changé. La presse s’est intéressée à nous, d’autres sites sont apparus, le nombre de lecteurs a régulièrement progressé.
Puis les politiques se sont emparé des questions de production locale, de défense des savoir-faire, de réindustrialisation. Et un ministère a finalement été créé pour « redresser » l’industrie hexagonale.
Aujourd’hui, les drapeaux tricolores fleurissent sur les produits alimentaires, les mouchoirs en papier, les fournitures scolaires, les livres, les bicyclettes, les vêtements, les véhicules, l’électroménager… Les fabricants qui produisent dans l’Hexagone le disent, l’affichent. En novembre prochain, un salon grand public consacré au made in France — dont La Fabrique hexagonale est partenaire — va même se tenir à Paris.

La fabrication française est à présent un argument de vente. Alors forcément, certaines entreprises se raccrochent à ce qu’elles peuvent pour surfer sur la vague. Telle vante alors la création, une autre le design, un troisième le packaging (!) français. Quid de la fabrication ? Quelques patrons, qui avaient sans l’avouer — voire en prétendant le contraire — délocalisé tout ou partie de leur production, relancent à la marge l’activité productrice de leur site historique — lorsqu’il n’a pas été totalement fermé —, et créent des collections made in France.
Les consommateurs qui peuvent financièrement ne pas se limiter aux premiers prix n’ont aujourd’hui plus d’excuses : s’ils veulent de temps en temps privilégier un produit fabriqué dans l’Hexagone, ils le peuvent.

Pourtant, les Renault Mégane et Clio, très majoritairement importées d’Espagne ou de Turquie, restent par exemple les voitures les plus vendues en France. Difficile dans ces conditions de se lamenter sur les fermetures d’usines, les déficits commerciaux ou la hausse du chômage.