Mise à jour 2015 : FagorBrant et La SITL ont malheureusement toutes deux cessé leurs activités.

La tendance est forte dans notre petit pays de considĂ©rer le nom « entrepreneur » comme un terme gĂ©nĂ©rique. Il dĂ©finirait en fait une catĂ©gorie uniforme d’hommes et de femmes. Tous ses membres seraient vertueux, travailleurs, courageux, patriotes, inventifs et « crĂ©ateur de richesses ». L’entrepreneur serait en quelque sorte le positif du fonctionnaire — qui du coup en serait le nĂ©gatif —, qui lui dĂ©signerait de façon indistincte une population de profiteurs, de tire-au-flanc, de fainĂ©ants et de « dilapidateurs de richesses crĂ©Ă©es par les premiers ». En rĂ©sumĂ©, la personnalitĂ© de chacun n’aurait que peu d’importance : un fabricant de lunettes de toilette ou de balais d’essuie-glace, voire un dirigeant de centre d’appels, seraient plus utiles et bĂ©nĂ©fiques au pays qu’un policier, une assistante sociale ou un professeur. Pas si simple.

Reconversion industrielle
Prenons deux exemples de chefs d’entreprise. Le premier, Pierre Millet, est le dirigeant d’une entreprise lyonnaise, la SITL (SociĂ©tĂ© d’Innovation et de Technologie de Lyon). En 2011, alors que Fagor-Brandt annonce la fermeture de son usine lyonnaise qui fabrique des lave-linge, ce chef d’entreprise se porte acquĂ©reur du site. Objectif : conserver l’essentiel des 500 et quelques salariĂ©s et opĂ©rer une reconversion industrielle « verte ». Pierre Millet avait en effet comme projet notamment de crĂ©er, fabriquer et commercialiser de petits vĂ©hicules Ă©lectriques.
Deux annĂ©es plus tard, le premier modèle de Brandt Motors existe — FagorBrandt est actionnaire minoritaire de la nouvelle entreprise. BaptisĂ© CitĂ©lec, il s’agit d’un petit utilitaire destinĂ© Ă  la livraison de marchandises dans les centres-villes. Il devrait Ăªtre suivi par d’autres modèles, Ă  deux et quatre roues, Ă©lectriques eux aussi. Un peu moins des 500 emplois ont Ă©tĂ© sauvĂ©s — la fabrication des derniers lave-linge en France sera progressivement dĂ©localisĂ©e en Pologne, une ligne de production quittant l’usine lyonnaise chaque annĂ©e jusqu’au transfert complet en 2014 —, une nouvelle marque française est nĂ©e, cela grĂ¢ce Ă  la vision et Ă  l’engagement d’un entrepreneur, qui souhaite promouvoir le made in France haut de gamme. L’avenir nous dira si ses choix Ă©taient les bons…

Faillite et spéculation
Deuxième cas d’Ă©cole avec Yves Bontaz, le fondateur de Bontaz Centre, un Ă©quipementier automobile. Peu avant la dernière Ă©lection prĂ©sidentielle, M. Bontaz avait menacĂ© de ne pas implanter sa nouvelle usine en France si l’ancien prĂ©sident de la RĂ©publique n’Ă©tait pas rĂ©Ă©lu. Le locataire de l’ElysĂ©e ayant changĂ©, il met Ă  prĂ©sent sa menace Ă  exĂ©cution : c’est au Maroc que l’usine sera crĂ©Ă©e. Sauf que cette dĂ©cision est prise depuis mars 2012 — donc avant l’Ă©lection — et qu’avec ou sans le nouveau gouvernement, aucun emploi n’aurait Ă©tĂ© crĂ©Ă© en France. Cette dĂ©cision a plus Ă  voir avec l’implantation de l’usine Renault au Maroc qu’avec l’arrivĂ©e d’une nouvelle majoritĂ© en France. D’ailleurs, ce chef d’entreprise n’a pas attendu l’arrivĂ©e d’une nouvelle majoritĂ© pour crĂ©er des emplois ailleurs, puisque sur les quelque 1 800 salariĂ©s que compte le groupe Bontaz Centre, moins de 300 travaillent dans l’Hexagone. Mais peu importe, un gros mensonge peut servir une cause et laisse toujours des traces…
M. Bontaz prĂ©dit la faillite de la France, en raison notamment des lacunes en mathĂ©matiques des femmes et des hommes de gauche (sic). Ce faisant, il emboĂ®te le pas de celles et ceux qui prĂ©voyaient la hausse vertigineuse des taux d’emprunt de la France au lendemain de la prise de fonction du nouvel exĂ©cutif français. DĂ©but juillet, la France a pour la première fois de son histoire empruntĂ© Ă  des taux nĂ©gatifs. Sans doute les spĂ©culateurs Ă©taient-ils en vacances… Mais dĂ©but septembre, ils n’avaient visiblement toujours pas repris le travail.