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Marinière et robot ménager ! Sympathique pour les uns, forcément ridicule pour les autres, le coup médiatique du ministre du Redressement industriel a au moins un mérite : celui de mettre sur le devant de la scène la question de l’industrie et du made in France, alors que les cadeaux de fin d’année se profilent. Porter une marinière Armor-lux tout en présentant un robot Moulinex est en outre on ne peut plus judicieux. D’abord parce que le petit pull rayé appartient au vestiaire tricolore — il est d’ailleurs baptisé French Sailor’s Shirt ailleurs dans le monde… —, comme passer du temps en cuisine à préparer des petits plats fait partie des bonnes habitudes françaises. Ensuite parce que les entreprises qui fabriquent ces deux produits figurent parmi les rares à avoir préservé une forte implantation industrielle dans l’Hexagone. Certes, objectera-t-on, Moulinex n’est plus une entreprise, mais seulement une marque du groupe Seb. Sans doute, mais il n’en reste pas moins que les appareils qui portent ce nom sont encore pour partie produits dans l’Hexagone. On peut aussi regretter que la majorité des sites de production de Moulinex aient été rayés de la carte au fil des ans. On peut malgré tout se féliciter que d’autres sont toujours en activité et qu’ils permettent encore aujourd’hui de produire en France. Cela tandis que la quasi-totalité des fabricants mondiaux de petit électroménager se contentent de commercialiser des produits made in Asia.

Des emplois dans l’Hexagone
Côté marinière, certains font aussi remarquer qu’Armor-lux ne produit chez nous qu’environ 40 % de ce qu’il vend, et que par conséquent 60 % sont importés. C’est vrai, mais cela n’a occasionné aucune délocalisation, aucun licenciement. Les sous-vêtements — métier d’origine d’Armor-lux —, les pulls et les marinières sortent toujours des ateliers de Quimper ou de Troyes. Tous les autres vêtements, qu’Armor-lux ne sait pas fabriquer, sont importés de bassin méditerranéen, d’Europe de l’Est ou d’Asie. L’entreprise ne possède en effet aucune usine hors de l’Hexagone. Conséquence, l’entreprise bretonne est probablement une des seules de sa spécialité à créer des emplois en France, notamment grâce à la fourniture de tenues — importées — pour les agents de La Poste ou de la SNCF. On peut cependant reprocher à Armor-lux de ne pas être transparent et de ne pas indiquer l’origine de fabrication de ses produits. Résultat, celles et ceux qui essaient de consommer local préfèrent acheter leurs pulls ou t-shirt rayés chez des concurrents comme Dalmard Marine, Saint-James, Royal Mer ou Le Minor…
Sur sa désormais célèbre photo, M. Montebourg porte au poignet une montre Michel Herbelin, prétendument made in France. Il fallait s’y attendre, pisse-froid et autres spécialistes se sont empressés de préciser que cette montre était au mieux assemblée en France, mais que l’on ne pouvait en aucun cas parler de fabrication française. Et pourquoi donc ? Parce que la majorité de ses composants viennent d’ailleurs. De Chine, du Bengladesh, du Vietnam… ? Non, de Suisse, pays lointain réputé pour ses salaires de misère. Lors d’un échange avec un horloger franc-comtois, celui-ci nous précisait il y a a quelque temps déjà que « séparer les Jura suisses et français était totalement artificiel, puisqu’ils constituaient un seul et même bassin de compétences et d’emplois ». Car si les composants d’une montre assemblée en France viennent pour beaucoup de Suisse, les spécialistes femme et homme qui fabriquent des garde-temps — comme disent les pros — en Suisse résident quant à eux pour bon nombre en France.

Se contenter d’importer des produits finis ?
Alors que faire ? Continuer de donner du travail à des horlogers, quand bien même agenceraient-ils de petites pièces venues d’ailleurs — puisqu’elles sont introuvables dans l’Hexagone ? Ou mettre tout ce petit monde à la porte et se contenter d’importer des montres toutes faites ? Remettre en cause l’authenticité des produits made in France permet, entre autres choses, de se donner bonne conscience et de consommer sans se poser de question. A quoi bon en effet payer plus cher des vêtements, des chaussures ou des jouets s’ils sont au final fabriqués en Chine ?
Pour éviter ces critiques, M. Redressement industriel aurait dû mettre à son poignet une des montres Pequignet équipées d’un mouvement 100 % made in France. Las… On lui aurait alors probablement reproché de faire la promotion de produits de luxe inaccessibles au Français moyen. Impardonnable pour un homme de gauche, qui se doit de lire l’heure sur une Swatch en plastique ! D’ailleurs, n’a-t-on pas reproché à une journaliste de ses amies de porter des lunettes hors de prix, fabriquées en France par le grand spécialiste des montures en écaille véritable ?