Coût horaire de la main-d'œuvre, pays de l'UE

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En 2013, le coût horaire de la main-d’œuvre* variait de un à dix entre les membres de l’Union européenne. Quand un Bulgare était payé 3,7 euros pour une heure de travail, un Suédois en recevait 40,1. Difficile avec de tels écarts de considérer l’UE comme un seul et même ensemble. Globalement, c’est dans les pays du Nord que le coût de la main-d’œuvre est le plus élevé, à l’Est qu’il est le plus bas tandis que le Sud se situe entre les deux. Si l’on se réfère à ce salaire horaire, la France est très clairement un pays du Nord : avec 34,3 euros de l’heure, l’Hexagone se situe après la Suède, le Danemark (38,4), la Belgique (38) et le Luxembourg (35,7). Viennent après elle les Pays-Bas (33,2), l’Autriche et la Finlande (31,4), l’Allemagne (31,3) et l’Irlande (29). Tous ces pays se situent au-dessus de la moyenne des 18 de la zone euro, qui s’établit à 28, 2 euros de l’heure. Juste en dessous arrivent l’Italie (28,1), l’Espagne (21,1) et le Royaume-Uni (20,9) puis, plus bas dans le classement, le Portugal (11,6), la République tchèque (10,3), la Pologne (7,6), la Hongrie (7,4) ou encore la Roumanie (4,6). Les salariés qui travaillent dans certaines régions de Chine perçoivent désormais des revenus plus élevés que leurs homologues employés dans quelque pays est-européen.
On comprend tout l’intérêt qu’il y a pour certaines entreprises à simplement écrire made in UE sur leurs produits fabriqués en Hongrie, en Slovaquie ou au Portugal ! Mieux vaut en effet profiter des pays à bas coût intra-européens plutôt que de fabriquer à l’autre bout du monde et de devoir ajouter le coût du transport à ceux de la production.
En faisant sous-traiter la fabrication des « sous-éléments » en Europe de l’est pour ensuite réaliser l’assemblage final outre-Rhin et bénéficier ainsi du label made in Germany, les entreprises allemandes ont tout compris… Leurs concurrentes françaises, qui ont préféré tout délocaliser, creusent quant à elles le déficit commercial de l’Hexagone lorsqu’elles importent leur propres marchandises.
En France, on voit de plus en plus souvent fleurir les argumentaires qui vantent les savoir-faire espagnol ou portugais… Combien de petites marques affichent ainsi fièrement leur made in Portugal (11,6 euros de l’heure) pour justifier les 250 euros de leurs sneakers ou les 800 euros de leur caban ?

Balances commerciales 2013, pays de l'UE

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D’autres chiffres*, qui concernent cette fois les balances commerciales des pays européens, révèlent une autre réalité : les pays qui ont les coûts de main-d’œuvre les plus élevés sont aussi ceux qui ont les balances les plus excédentaires. Les pays du Nord donc. Et à cet égard, la France est de toute évidence un pays du Sud. Alors que l’Allemagne (199,6 milliards d’euros d’excédent), les Pays-Bas (+ 55,2), la Belgique (+14,1), le Danemark (+10,3) ou encore la Suède (+6) exportent plus qu’ils n’importent, la France affiche un énorme déficit 76 milliards d’euros.
Il semblerait donc que le coût de la main-d’œuvre élevé ne soit pas incompatible avec un commerce extérieur florissant. C’est même tout le contraire. Le Royaume-Uni, dont le coût de la main-d’œuvre est inférieur à 21 euros, fait d’ailleurs encore pis que la France, avec un déficit commercial de 84,7 milliards. A contrario et bien que méditerranéenne, l’Italie (28,1 euros de l’heure) a dégagé un excédent de 30,4 milliard d’euros en 2013.
Alors, pourquoi des déficits d’un côté et des excédents de l’autre ?
A toujours vouloir chercher les causes de notre malheur dans de mauvais choix des politiques, dans les rigidités et l’inadaptation du prétendu modèle français, ou encore dans la psycho-rigidité de syndicats non représentatifs, on en oublierait presque la responsabilité des entreprises françaises et de leurs dirigeants. Et si, pour expliquer leurs piètres performances, elles devaient avant tout s’en prendre à elles-mêmes ? Un peu facile en tout cas de s’attribuer tout le mérite des succès quand il y en a et de blâmer les salaires, les charges sociales, des formations inadaptées, l’administration ou le gouvernement quand les échecs se multiplient…

*Chiffres Eurostat