Anneaux olympiques

Certains déclinistes hexagonaux, qui sont très souvent de fervents admirateurs des Anglo-Saxons, ont vécu les derniers Jeux olympiques comme une illustration de ce qu’ils savent depuis longtemps : les Français sont des losers, les Anglais des winners.
Et en effet, si l’on en juge par le tableau des médailles, on ne peut que constater la supériorité des Américains, premiers, et des Britanniques, deuxièmes.
Pas de surprise côté USA, puisque, à deux ou trois exceptions près, ils ont toujours terminé sur la plus haute marche du podium depuis 1898. C’est en revanche plus étonnant côté Grande-Bretagne. Selon certains commentateurs, il faut imiter illico les méthodes adoptés outre-Manche, qu’il s’agisse de débloquer des budgets, de créer un ministère des Jeux olympiques, voire de ne plus financer que les sports qui ont de réelles chances de médailles. Le résultat de cette dernière option est très clair : le cyclisme à lui seul a rapporté 11 médailles — dont 6 or — à la délégation britannique. Certes cette spécialisation n’atteint pas encore celle des Etats-Unis — 33 médailles pour la natation, 32 pour l’athlétisme, soit plus de la moitié des 121 trophées décrochés —, mais le même modèle se dessine.
Dans un article un peu prématurément écrit, un éditorialiste des Echos décrivait les résultats médiocres des athlètes français, les objectifs qui ne seraient jamais atteints et leur incapacité à égaler, et encore plus à battre, le record de 41 médailles — dont 7 d’or — établi à Pékin.
En vertu de leurs rangs et titres mondiaux, les athlètes français auraient dû rapporter plus de 70 médailles. Seulement voilà, les Français n’ont pas la culture de la compétition, de la rivalité ni de « la-fin-qui-justifie-les moyens » propres aux Anglo-Saxons. C’est très agaçant lors des JO ou de n’importe quel autre grand rendez-vous sportif, mais c’est une plutôt une bonne chose le reste du temps. Au final, l’Hexagone termine malgré tout à la 5e place avec 42 médailles, à égalité avec l’Allemagne. Ce qui n’est pas ridicule. Il rétrograde cependant à la 7e en termes de médailles d’or, ce qui n’est pas pitoyable pour autant.
En sport comme en économie, la France ne fait pas plus d’étincelles qu’elle ne sombre profondément. Depuis les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne, elle fait preuve d’une grande régularité et figure ainsi toujours parmi les dix premières nations. Seules les années 1960-1976 font exception : 25e aux JO de 1960 ; 21e à ceux de 1964 ; 17e en 1972 et 15e à Montréal en 1976. Seul éclaircie, les JO de Mexico en 1968, où la France se classe 3e. Comme quoi ce n’est pas parce que l’économie va bien ou que la concorde règne que les sportifs français cartonnent !
Un parallèle peut également être fait avec nos voisins allemands, réputés pour leur sérieux à la fois sportif et économique. Outre-Rhin, pas de défaillance, pas davantage de déclin ! A Rio, France et Allemagne ont toutes deux engrangé 42 médailles. Différence importante cependant : 17 médailles en or et 10 en argent côté allemand, pour seulement 10 en or et 18 en argent côté français. Visiblement, les tricolores ont beaucoup plus de mal à conclure ! Mais ils progressent : en 2012, l’Allemagne avait gagné 44 médailles, la France 34 — 11 en or de chaque côté — ; les récoltes respectives étaient de 49 et de 33 en 2004 ; de 57 et de 38 en 2000 ; de 65 à de 37 en 1996 et même de 82 à 29 à Barcelone en 1992. Est-ce l’Allemagne qui décline ou la France qui progresse ?
Quant aux Britanniques, ce n’est pas la première fois qu’ils accomplissent des merveilles : lors des JO de Londres en 1908, ils avaient conquis 145 médailles, soit trois fois plus que les Etats-Unis, deuxièmes. Quatre années plus tard, il ne restait plus que 42 médailles, puis 34 en 1924, 20 en 1928, 16 en 1932. Peut-être devrions-nous attendre les prochaines olympiades avant du juger du génie britannique et de l’incurie française…
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