Marie Spinali, dirigeante de Spinali Design : « Il me tient à cœur de faire exister la production de textile connecté à Mulhouse, ma ville. » © Spinali Design

Spinali Design conçoit et fabrique, en France, du prêt-à-porter et des accessoires connectés. Où en est cette start-up alsacienne ? Pourquoi fabriquer en France ? Quelle place pour les femmes dans le numérique ? Interview de Marie Spinali, la dirigeante de l’entreprise.

Où en est Spinali Design en ce début d’année ?
Nous entamons notre quatrième année et l’évolution de nos produits, aussi bien les robes, les jeans et les maillots de bain munis de capteurs que la crème solaire, les logiciels et les cartes électroniques, positionne notre entreprise comme un acteur de la vie connectée. Notre start-up accompagne et dessine le monde de demain. C’est donc avec enthousiasme que nous débutons 2018.

Quels sont les avantages et les inconvénients d’entreprendre dans votre secteur depuis la province (Mulhouse) ?
Le principal avantage est la possibilité de mobiliser rapidement des experts locaux. L’Alsace est petite et il est facile de connaître les bonnes personnes. Le pendant de cet avantage est qu’il est parfois compliqué de trouver les compétences dont nous avons besoin… La proximité de la Suisse est également un véritable plus et participe à notre volonté de rester à Mulhouse. A contrario, entre les élus qui font parfois preuve de favoritisme, les décisionnaires qui ne comprennent pas toujours les enjeux technologiques et la difficulté que nous avons, loin de Paris, à partager une véritable ambition, on peut dire qu’il y a autant d’avantages que d’inconvénients à opérer en province.
Indépendamment de ces pour et de ces contre, il me tient à cœur de faire exister la production de textile connecté à Mulhouse. Je crois qu’il règne dans cette ville une énergie particulière. Elle a été pionnière dans la révolution industrielle et il est possible qu’elle joue un rôle important dans la révolution numérique. C’est ma ville, je l’aime et je veux y croire..

Vous revendiquez une fabrication française : qu’elles sont selon vous les valeurs du made in France ?
La fabrication est bien plus transparente en France et en Europe qu’ailleurs. Les contrôles sont nombreux, la répression des fraudes veille et c’est très bien ainsi. Le made in France c’est un gage de confiance.
Pour Spinali Design, c’est aussi la possibilité de porter une ambition et une image de la France à l’international. Nous exportons en effet plus que nous ne vendons sur le marché français. La France est perçue dans le monde comme un pays de liberté, d’audace. Pour beaucoup, elle est même très féminine. La Liberté guidant le peuple n’est-elle pas peinte sein nu par Eugène Delacroix ? A l’heure où la pudibonderie est la règle, notamment sur les grands réseaux sociaux, la culture française doit faire valoir sa différence. C’est en France que le bikini a été inventé et, à l’étranger, on trouve tout à fait crédible que le Neviano, le premier maillot de bain connecté, soit également une invention française.
J’aime l’image qu’a la France dans le monde. Je m’y retrouve tout à fait.

Marie Spinali : « Je ne renonce ni à ma féminité ni à mon goût pour la technologie et le numérique ». © Spinali Design

Qu’est-ce qu’une femme chef d’entreprise dans le numérique peut apporter de plus ou de différent ?
Une femme a une autre sensibilité je pense. Son regard sur les choses, sur le numérique notamment, apporte une certaine humanité, différente d’une vision purement technologique. Pour une femme, l’intérêt et le sens de l’objet sont souvent plus importants que la technique, aussi innovante soit-elle, si elle n’a pas de réelle utilité. Montrer les muscles ne nous paraît pas nécessaire.
En outre, l’absence de femmes dans le domaine technologique confère une certaine force à celles qui s’y intéressent, à condition toutefois qu’elles ne renoncent pas à leur différence. A quoi bon en effet réclamer plus de femmes dans le numérique si on attend d’elles qu’elles se comportent comme des hommes ? En ce qui me concerne, je ne renonce ni à ma féminité ni à mon goût pour la technologie et le numérique.

Justement, pourquoi selon vous y a-t-il si peu de femmes dans le numérique ?
Difficile de répondre à cette question. La pression exercée sur les femmes les empêche-t-elles de s’accomplir et de mettre leur intelligence au service du numérique ? Est-ce que ce sont la société, l’entourage proche, les exemples ou encore l’école qui aiguillent inconsciemment les femmes vers des domaines réputés plus féminins ? Poser ces questions, c’est déjà en partie y répondre…

Que diriez-vous à une jeune femme qui souhaite entreprendre dans le digital ?
Il y a tant d’opportunités dans ce secteur… A partir du moment où elle pense avoir la capacité d’entreprendre dans ce domaine, il faut qu’elle se lance. Il faut de l’envie, de la volonté et du travail. Il est aussi préférable qu’elle ait un bon bagage technique, même si un jeune informaticien passera plus facilement pour un petit génie qu’une jeune informaticienne. Il faut le savoir, mais ne pas abandonner. Les mentalités vont évoluer.

Quels sont les projets en cours chez Spinali Design et peut-on avoir des idées des projets à venir ?
Nous revenons juste du CES de Las Vegas. Nous avons pu y présenter notre crème solaire connectée. Nous travaillons donc sur le passage du produit au service. Nos maillots Neviano 2 vont quant à eux sortir en avril sur Internet et en boutique en Suisse et en France.
Nous avons également un autre projet, une réflexion sur le monde qui vient, sur le sens de la vie. Peut-être parce qu’en tant que femme dans le numérique, le sens des choses m’importe autant que les choses elles-mêmes…

 

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