Champ de lin en Normandie.
La France, grâce à la Normandie et au nord de l’Hexagone, est le premier producteur mondial de lin…

La France est le premier producteur mondial de lin. Le soi-disant génie français n’est pas pour grand-chose dans cette suprématie, contrairement aux conditions naturelles de sol et de climat. Pour preuve, cette plante pousse également très bien en Belgique et aux Pays-Bas, sur un territoire qui prolonge celui de la Normandie et du nord de l’Hexagone. Les Chinois ont bien essayé d’acclimater le lin chez eux, mais semble-t-il sans grand succès. Sinon, il y a bien longtemps qu’ils seraient les numéros 1…
Faute de pouvoir le faire pousser, la Chine transforme le lin : 80 % de la récolte tricolore part ainsi pour « l’usine du monde », avant de revenir sous forme de produits finis.
Depuis quelques années, des marques ont recommencé à faire confectionner en France des vêtements en lin — chemises, tabliers, pantalons… —, mais à partir de fil ou de tissu importé. En effet, si notre voisin belge a encore les moyens industriels de valoriser son propre lin, ce n’est pas le cas de l’Hexagone. Ou, plus exactement, ce n’était plus le cas, car depuis un an, l’entreprise Emmanuel Lang, filiale du groupe Velcorex, transforme la plante normande en fil. Pour ce faire, le tisseur-filateur alsacien a récupéré des machines d’occasion en provenance de Hongrie, via NS Schlumberger, une autre entreprise alsacienne. Et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit d’un des premiers fabricants mondiaux « de machines textiles et de lignes complètes (…) dans le domaine des fibres longues ».


Sept machines à filer le lin, fabriquées en Alsace il y à vingt-cinq ans, ont été rapatriées de Hongrie… Emmannuel Lang/Velcorex


C’est d’ailleurs NS Schlumberger qui a fabriqué, il y a vingt-cinq ans, les machines rapatriées d’Europe de l’Est…
Même si la production de fil de lin d’Emmanuel Lang est modeste — 120 tonnes —, elle permet aujourd’hui à quelques marques de proposer des vêtements 100 % made in France, de la plante à la confection, en passant par les machines qui fabrique le fil. C’est une excellente nouvelle, d’autant que le lin est une fibre naturelle et robuste, dont la culture ne nécessite ni arrosage intensif ni pesticide, contrairement à celle du coton
Selon Olivier Demangeat, chef du service propriété industrielle et innovation chez NS Schlumberger, cité par Les Échos, « Le projet de Velcorex induit un changement de business model qui consiste à engranger de la valeur ajoutée à toutes les étapes de la production, plutôt que de faire jouer la concurrence au sein d’une filière morcelée. »
Après avoir consciencieusement détruit ses propres savoir-faire, compétences et équipements pendant près de trente ans, l’industrie textile française aurait-elle « entrevu la lumière » ?