Future usine de Lhyfe, en Vendée.
Dès 2021, Lhyfe devrait produire ses premiers kilos d’hydrogène vert dans sa future usine vendéenne.

L’heure est aux grandes et belles intentions, aux grands programmes. Depuis le début de la crise du — ou de la… — Covid 19, les grandes manœuvres s’accélèrent pour que l’Hexagone retrouve un semblant d’autonomie, voire de souveraineté. Dernière exemple en date : le Plan hydrogène. Les pouvoirs publics semblent en effet décidés à donner les moyens financiers aux acteurs de la filière hydrogène naissante pour qu’elle se structure, se développe, monte en puissance et contribue à terme à diminuer la dépendance extérieure du pays en termes d’énergie.
Produire demain, en très gros volumes, de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables pourrait en effet se traduire par une vraie révolution. Et pour ce faire, le gouvernement promet 2 milliards d’euros d’ici à 2022, et au total 7,2 milliards d’ici à 2030.

Produire de l’hydrogène vert

La toute jeune entreprise nantaise Lhyfe entend ainsi produire de l’hydrogène à partir d’eau de mer et d’électricité renouvelable. Une première usine devrait voir le jour en Vendée dès 2021, tandis que vingt sites de production sont déjà planifiés en Europe au cours des quatre prochaines années. La solution développée par Lhyfe est modulaire et peut être reliée à différentes sources renouvelables, que ce soient la biomasse, l’hydrolien, le solaire ou l’éolien. L’électrolyse de l’eau, grâce à laquelle le courant électrique permet de briser la molécule d’eau et de séparer l’oxygène et l’hydrogène, n’est pas nouvelle. Ce qu’apporte Lhyfe, c’est la gestion de l’intermittence, propre aux énergies renouvelables. La start-up a en effet développé un algorithme qui permet de piloter au mieux les installations.
Une autre entreprise, H2V, s’est récemment associée au géant Air Liquide, le plus important vendeur d’hydrogène en France. Son projet est de produire de l’hydrogène vert en masse, c’est-à-dire 28 000 tonnes par an, pour chaque plate-forme. Il s’agit de faire chuter les coups de fabrication, car produire de l’hydrogène vert coûte deux fois plus cher que si l’on utilise des énergies fossiles. H2V n’attendait que le soutien des pouvoirs publics pour se lancer…
Dans un processus inverse à celui de l’électrolyseur, la pile à combustible (PAC) permet convertir de l’hydrogène en électricité. C’est la spécialité d’Hydrogène de France (HDF) qui, grâce à un transfert de technologie du Canadien Ballard, projette de construire à Bordeaux, d’ici à la fin de l’année 2021, une usine de 8 000 m2. Elle devrait être capable, à terme, de produire chaque année 50 MW de PAC, sous la forme de containers de 1,5 MW chacun.

Hydrogène et mobilité

Un Businova, fabriqué par Safra, fait le plein d’hydrogène à une station construite par McPhY.

Des entreprises comme McPhy, qui conçoit et produit des électrolyseurs — en Italie et en Allemagne — et des stations hydrogène pour les véhicules — assemblées en France —, devraient elle aussi profiter de plan national pour monter en puissance. C’est également le cas de Symbio, une coentreprise à parité entre Michelin et Faurecia, dont l’objectif est de fabriquer à grande échelle des piles à combustible (PAC), qui le sont aujourd’hui en petites quantités. L’entreprise a investi une ancienne usine Bosch à Vénissieux, en attendant que son nouveau site de production voie le jour, également près de Lyon, à Saint-Fons. Avec ces piles à combustible, il s’agit notamment d’utiliser l’hydrogène pour la mobilité. PSA projette ainsi d’intégrer des PAC à certains de ses utilitaires dès 2021, tandis qu’elles équipent déjà des véhicules utilitaires électriques Renault. Ces piles servent de prolongateur d’autonomie, qui grimpe alors de plus d’une centaine de kilomètres. Renault justement, mais côté camions cette fois — Renault Trucks n’appartient pas à Renault, mais au groupe Volvo — , vient de relancer la production de ses modèles électriques, à Blainville-sur-Orne, dans le Calvados. De son côté, le petit constructeur Safra produit le Businova, un bus électrique qui « carbure » à l’hydrogène.
Hydrogène et électricité sont considérés comme étant particulièrement adaptés aux transports routiers, dont les nuisances en termes de pollutions atmosphérique et sonore ne sont plus à démontrer. Mais pour que camions, camionnettes et voitures électriques se démocratisent et remplacent progressivement ceux à pétrole, il leur faut des batteries.
Le 3 septembre dernier, une nouvelle société, baptisée Automotive Cells Company (ACC), a été officiellement créée par Total et PSA. Un site de production pilote et un centre de R&D sont déjà à pied d’œuvre à Nersac (Charente), là où est implanté Saft, fabricant français de batteries et filiale de Total. Il s’agit de mettre au point de nouvelles technologies de cellules lithium-ion de haute performance. La fabrication en grande série se fera en revanche à Douvrin, dans le nord de l’Hexagone, et à Kaiserslautern, en Allemagne, dans deux nouvelles méga-usines qui sont encore à construire. Verkor, un autre projet de méga-usine de fabrication de cellules de batteries, soutenu par Schneider Electric, est également dans les cartons…

Les plus grandes pales d’éoliennes au monde (107 mètres) sont construiter par LM Wind Power, à Cherbourg. (Capture vidéo, LM Wind Power)

Pas d’hydrogène vert sans électricité renouvelable

La production d’énergie renouvelable peut elle aussi changer d’échelle grâce à l’implantation de moyens de production industriels dans l’Hexagone. Le germano-espagnol Siemens-Gamesa a ainsi entamé la construction de son usine de fabrication d’éoliennes en mer au Havre. C’est également en Normandie, à Cherbourg, que sont désormais fabriquées les plus grandes pales d’éoliennes au monde, par LM Wind Power, une filiale de General Electric. Quant aux éoliennes qui « portent » ces pales géantes, elles sont assemblées à Saint-Nazaire.
Problème : comment fournir cette énergie renouvelable aux véhicules, particuliers ou professionnels, alors que le réseau de bornes de recharge électrique est insuffisant, quand il n’est pas hors d’usage ? Et que celui des stations de distribution d’hydrogène est encore inexistant, ou presque…
Le pari des autorités est loin d’être gagné, mais il y a une vraie volonté politique, des projets d’envergure et, désormais, de gros moyens financiers. Bref tout ce qu’il faut pour concrétiser ces nouvelles ambitions.