Le Peugeot 3008 est le seul véhicule à allier gros volumes de production et fabrication française. © Peugeot

En Allemagne, c’est la Volkswagen Golf ; en Italie, la Fiat Panda ; en Espagne, la Seat Leon ; en République tchèque, la Skoda Fabia ; en Roumanie, la Dacia Sandero ; en Russie, la Lada Granta, etc. Tous ces modèles sont, sans exception, fabriqués dans leur pays d’origine. Parmi les pays qui possèdent un ou plusieurs constructeurs*, seule la France plébiscite des modèles qui sont fabriqués à l’étranger.

Marques françaises, fabrication étrangère…

Les SUV urbains figurent désormais parmi les véhicules les plus populaires. En France, les Peugeot 2008 et Renault Captur étaient ainsi les 3e et 7e modèles les plus vendus en février 2021. Ces deux SUV sont assemblés en Espagne, comme le C3 Aircoss, un peu moins populaire. Ce dernier est en outre produit à Sarragosse, au sein de l’usine Opel. Opel, justement, vient de lancer son nouveau Mokka, qui a été élaboré sur la même plate-forme que les DS3 Crossback et Peugeot 2008. Et contrairement au SUV Peugeot, mais à l’instar du DS3 Crossback, le Mokka est assemblé en France, à Poissy. Le seul SUV urbain généraliste produit dans l’Hexagone est donc un modèle de marque allemande. C’est également le cas sur le segment des citadines polyvalentes. Toyota Yaris et Nissan Micra — auxquelles on peut ajouter la Renault Zoe, beaucoup moins polyvalente cependant — sont les seuls modèles made in France. En effet, Renault Clio, Peugeot 208 et Citroën C3 sont fabriquées en Turquie et en Slovénie pour la première, en Slovaquie et au Maroc pour la deuxième, en Slovaquie pour la troisième. Et ce paradoxe va se renouveler prochainement avec l’arrivée du Yaris Cross. Cette déclinaison SUV de la citadine japonaise sera en effet, elle aussi, fabriquée dans le Nord, comme sa sœur. Au total, sur les dix voitures les plus vendues depuis le début de l’année 2021 dans l’Hexagone, trois seulement y sont assemblées.

Aucun SUV urbain de marques françaises n’est produit dans l’Hexagone, contrairement au futur Toyota Yaris Cross… © Toyota

Fabrication locale et fiabilité japonaise

Autant, en termes de fiabilité, les « voitures françaises » n’ont sans doute pas grand-chose à envier aux Allemandes, autant elles ne tiennent pas encore la comparaison avec les Japonaises, voire les Coréennes. Du coup, on peut légitimement se demander pourquoi acquérir une Clio ou une 208 plutôt qu’une Yaris. La toute nouvelle mouture de la Japonaise est une réussite, comme le prouve sa récente élection comme Voiture de l’année 2021. Elle coûte peu ou prou le même prix que ses rivales, elle est plus solide et plus fiable et, contrairement aux « Françaises », elle est assemblée dans l’Hexagone. Le même constat s’imposera demain avec le Yaris Cross. Joli, spacieux, très bien équipé, sûr, fiable et lui aussi made in France, le Yaris Cross n’aura assurément rien à envier aux 2008, Captur et autres C3 Aircross. Restent les cas des DS3 Crossback et Opel Mokka, qui sont tous deux assemblés près de Paris, dans les Yvelines. Positionnement haut de gamme oblige, le premier coûte sensiblement plus cher, ce qui limite sans doute sa diffusion. Ce n’est pas le cas du second, dont le tarif est au contraire inférieur à ceux des Peugeot 2008, DS3 Crossback et Renault Captur. Il bénéficie en outre d’un design très original et, semble-t-il, d’une très bonne qualité de fabrication. Il dispose donc d’arguments pour séduire les clients de l’Hexagone.

… et au nouvel Opel Mokka, qui est assemblé dans les Yvelines, à Poissy, à côté du DS 3 Crossback. © Opel.

Stratégies constructeurs vs comportements consommateurs

Si les automobilistes français se comportaient comme leurs homologues allemands, italiens ou espagnols, les voitures les plus vendues dans l’Hexagone devraient donc être l’Opel Mokka, la Toyota Yaris et, demain, le Yaris Cross. Sans oublier la Dacia Sandero qui, bien que produite hors de France, bénéficie d’un tel rapport qualité-prix qu’elle mérite très largement son succès. Échange de bons procédés oblige, la prochaine DS4/DS4 Cross ne sera pas assemblée en France, mais en Allemagne, chez Opel. Il s’agirait, pour la direction de l’ex-PSA, de rassurer les syndicats d’Opel et d’acheter la paix sociale. Cela peut être aussi l’occasion de mener une opération séduction vis-à-vis des automobilistes allemands, friands à la fois de véhicules premium et Deutsche Qualität. Ce qui signifie, a contrario, que pour cette même direction, le pays de fabrication n’a guère d’importance pour les acheteurs français. À moins qu’elle considère, sans doute à juste titre, que les acheteurs français de véhicules haut de gamme préfèrent les voitures made in Germany à celles fabriquées en France. Quel est à ce titre l’avenir de la grosse DS9, qui est uniquement produite en Chine, puis importée en France ?

Des modèles qui se vendent peu

Contrairement aux autres constructeurs, les Français ont choisi de fabriquer dans l’Hexagone des véhicules qui se vendent moins, voire peu — 308, 508, Scenic, Talisman, Espace. Seul le Peugeot 3008 — et dans une moindre mesure le C5 Aircross — cumule fabrication française et gros volumes. Mais il se vend malgré tout deux fois moins de 3008 que de 208. À l’opposé, un constructeur comme Fiat, nouvel allié de PSA, fabrique sa petite Panda, très bon marché, dans l’usine Alfa Romeo implantée près de Naples. Si la direction générale du nouveau groupe Stellantis — qui réunit désormais PSA, Fiat et Chrysler —, à savoir celle de PSA, reproduit la même recette que celle appliquée en France, les salariés italiens ont quelques soucis à se faire. La France demeure le premier marché de Renault, de Peugeot, de Citroën et de DS. Si demain les automobilistes locaux se détournaient des 208, Clio, 2008 et autres Captur au profit des Renault Zoe, Toyota Yaris, Nissan Micra, DS3 Crossback, Opel Mokka et Yaris Cross, — sans oublier la Sandero ! —, les constructeurs tricolores infléchiraient peut-être leurs stratégies industrielles. Il est quand même affligeant de voir Renault quémander « des volumes auprès » de ses partenaires japonais pour fournir de l’activité à ses sites français, alors que ses usines espagnols ou turques tournent à plein régime. Résultat, après la Nissan Micra, Renault produira demain un ou plusieurs véhicules Mitsubishi. Et ce à la place de modèles Renault.

La future Peugeot 308 sera, comme l’actuelle, fabriquée en France. Renault Mégane et Citroën C4 ont quant à elles quitté l’Hexagone depuis — plus ou moins — longtemps. © Peugeot

Une voiture made in France sur le toit de l’Europe

En 2020, Renault a fabriqué moins de 20 % de ses véhicules en France. Soit environ la moitié de la production française de l’ex-PSA. Les choix financiers et industriels opérés par les constructeurs tricolores ne doivent évidemment rien au hasard. Après tout, l’actuel dirigeant de l’ancien PSA a fait d’une entreprise en quasi-faillite un groupe à la santé insolente. Les recettes qu’il applique sont par conséquent d’une redoutable efficacité. Pour autant, la santé financière de Toyota est au moins aussi bonne. Et cela n’empêche pas le Japonais de produire en France des petits véhicules, que ses concurrents locaux prétendent devoir produire ailleurs. Et ça marche. En France, la Yaris est le plus vendu des « véhicules étrangers ». Mieux : la nouvelle Yaris made in France est la voiture la plus écoulée sur le Vieux Continent en ce début d’année 2021. Une première pour un véhicule d’origine asiatique. Et ces ventes record ne sont sans doute pas sans conséquence sur l’économie de la région française où la Yaris est produite.

* Le Royaume-Uni est un cas à part puisque s’il héberge de nombreux sites d’assemblage de véhicules, aucun n’appartient à un constructeur généraliste britannique. Ainsi, le premier constructeur local, Jaguar-Land Rover — qui est désormais indien —, est un constructeur premium qui vend peu de véhicules.