Le Français McPhy a présélectionné Belfort pour construire sa future gigafactory de fabrication d’électrolyseurs. © McPhy

Des électrolyseurs à la place des turbines à gaz ! Ce n’est pas encore fait, mais cette perspective se précise.
Belfort, terre d’élection d’Alstom et de General Electric (GE) France, verra peut-être — probablement ? — une nouvelle activité industrielle s’implanter sur son territoire.

Des centaines de licenciements

Depuis le rachat de la branche énergie d’Alstom en 2014, GE peine — c’est un euphémisme — à tenir les engagements pris auprès des autorités françaises.
Pour justifier l’absence d’embauches et, pis, les centaines de licenciements, l’Américain avance un contexte économique fort défavorable. Et en effet, outre la crise sanitaire mondiale des derniers mois, la tendance est plus à l’éolien et au solaire qu’aux centrales électriques au gaz ou au charbon. Le prix des énergies renouvelables a chuté, ce qui rend les fossiles beaucoup moins compétitives, tandis qu’elles génèrent de la pollution et contribuent au réchauffement climatique.
Les turbines qu’Alstom vendait comme des petits pains il y a une dizaine d’années n’intéressent plus grand monde aujourd’hui. Et alors que l’entreprise française s’est débarrassée de cette activité pour se concentrer sur le ferroviaire — dont elle est désormais le numéro 2 mondial —, c’est à GE d’essuyer les plâtres. Le conglomérat américain se retrouve avec un outil industriel et des salariés dont il ne sait que faire. Elle entend ainsi revendre ses turbines vapeur qu,i du coup, pourraient repasser sous pavillon français. Elles sont en effet essentielles aux centrales nucléaires tricolores.
L’Allemand Siemens, qui avait tenté de souffler Alstom à General Electric, taille lui aussi dans ses effectifs, avant de se séparer totalement de ses turbines.

Les turbines Arabelle, qui équipent les centrales nucléaires tricolores, repasseront-elles sous pavillon français ? © General Electric

Activité de passé contre activité d’avenir

Très controversée, hautement politisée, la vente de sa branche énergie représente, au final, une excellente affaire pour Alstom. Et, a contrario, une très mauvaise pour General Electric. Et ce n’est que justice si l’on considère les moyens, pour le moins discutables, employés par l’Américain pour parvenir à ses fins.
La presse anglo-saxonne critique d’ailleurs ce rachat, non pas en termes de méthode, mais de prix payé par GE. Sans surprise, les médias français et les économistes qui y disposent de leur rond de serviette continuent pour leur part de se lamenter sur la perte d’un fleuron national.
Quant aux salariés d’Alstom énergie, il est probable qu’ils auraient de toute façon connu le même sort, avec ou sans vente…
Parmi les engagements pris par les Américains en 2014 figure le maintien d’un certain nombre d’activités dans l’Hexagone. Ainsi, le siège social et la R&D de GE Renewable — ex-Alstom Renewable Power — sont toujours implantés en France. L’usine de fabrication d’éoliennes offshores de Saint-Nazaire tourne à plein régime, grâce à l’export, la multiplication des recours contre les parcs offshores empêchant leur construction en France.
Le Danois LM, filiale de GE, a quant à elle construit un site de fabrication de pales d’éoliennes, à Cherbourg.

Naissance d’une nouvelle filière

Alors que les « emplois verts » se multiplient, l’heure est aux licenciements à Belfort. C’est notamment pour redonner du travail aux femmes et aux hommes remerciés que les Pouvoirs publics soutiennent un projet : l’installation à Belfort d’une « Gigafactory » d’électrolyseurs. Qui serait notamment financée par GE, via les pénalités payées — 50 millions d’euros — pour non-respect des engagements pris avec l’État français.
Portée par le Français McPhy, cette future usine doit en effet permettre, à terme, de produire 1 gigawatt d’électrolyseurs. Et de créer environ 400 emplois.
Pourquoi des électrolyseurs ? Pour produire de l’hydrogène vert, vecteur d’énergie qui doit à terme contribuer à diminuer l’utilisation de gaz et de pétrole, en particulier dans l’industrie et les transports. C’est un moyen aussi d’assurer une moindre dépendance de l’Hexagone vis-à-vis des puissances pétrolières.

Comme Belfort, Alstom se convertit à l’hydrogène avec ses nouveaux trains bimodes électricité-hydrogène. © Capture d’écran, vidéo Alstom.


Les électrolyseurs McPhy symbolisent en quelque sorte le monde de demain, les turbines GE celui d’hier. Ils contribueront, comme les hommes et les femmes qui auront pour mission de les fabriquer, à la transition énergétique du pays.
Alstom table lui aussi sur l’hydrogène pour se développer. Quatre régions françaises — Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Occitanie — lui ont ainsi passé commande de douze premiers trains bimode électricité-hydrogène.
En outre, le groupe a annoncé début avril l’acquisition d’Hélion Hydrogen Power, une filiale d’Areva Energies Renouvelables. Spécialité de cette entreprise : la fabrication de piles à combustible de forte puissance.
Après avoir divergé depuis 2014, les routes d’Alstom et de ses anciens salariés belfortains semblent converger à nouveau…