L'explosion des ventes en ligne incite de plus en plus de gens à se lancer dans le e-commerce.
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Les créations d’entreprises en France en 2018 ont progressé de 17% par rapport à l’année précédente. Au total, 691 000 nouvelles entités ont ainsi vu le jour. Il y a quelques années, certains hommes politiques rêvaient la France en pays d’entrepreneurs ; ils doivent être satisfaits. Pour autant, ces créations relèvent-elles d’une véritable conversion à l’entrepreneuriat ou, simplement, un choix par défaut, faute d’emplois salariés disponibles ?
Un peu des deux sans doute. Pour celles et ceux qui ont depuis de nombreuses années occupé des postes en entreprise, pour lesquels ils ont perçu un salaire chaque fin de mois, se lancer dans l’inconnu, sans aucune assurance de réussite ni de revenus, n’est sans doute pas des plus faciles. Le salariat est en effet rassurant, d’autant que la société dans son ensemble est bâtie sur ce statut. Dès que l’on souhaite acquérir quelque chose, le vendeur de ce quelque chose exige des fiches de salaires. Quant à louer un appartement quand on est indépendant, mieux vaut avoir des parents, des grands-parents et, pourquoi pas, des arrières-grands-parents pour se porter garant. Bref, être salarié facilite la vie quotidienne, même si ce statut sous-entend de remettre sa liberté entre les mains de quelqu’un d’autre. Et il n’est ici même pas question ici du fonctionnariat, sorte de Graal pour les propriétaires et, partant, pour toutes celles et ceux qui recherchent un emploi et qui doivent louer pour se loger.

Les NTIC vont-elles tuer salariat ?

Pour les femmes et les hommes qui ont perdu leur emploi et qui ne parviennent pas à en retrouver un nouveau, créer son entreprise, en tant qu’auto entrepreneur notamment, permet de gagner sa vie. Ou du moins d’essayer… S’ils ont des enfants, il est probable que ceux-ci se posent des questions quant à leur propre avenir. Pour eux et pour ceux qui ont la fibre entrepreneuse, créer une entreprise fait sens, malgré l’éventuelle précarité que cela sous-entend.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les fameuses NTIC, accompagnent la fragilisation du salariat. Ou peut-être la provoquent-elles… Ces technologies permettent en effet aux entreprises d’externaliser de plus en plus de fonctions et d’activités, qu’elles confient justement à des indépendants avec lesquels il n’existe aucun lien de sujétion ni d’attachement d’aucune sorte. Elles paient pour un travail, et c’est tout. Le développement du commerce en ligne favorise lui aussi l’émergence d’une nouvelle race d’entrepreneurs. Avant l’avènement d’Internet, monter un commerce exigeait une importante mise de fonds de départ pour acquérir des marchandises, pour louer ou acheter un local, pour engager éventuellement des salariés… C’était, et c’est encore pour qui démarre un commerce physique, un processus lourd, long et coûteux.

Le commerce en ligne monte en puissance, en France comme partout ailleurs.
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Gagner sa vie en commerçant en ligne

Aujourd’hui, il est possible d’ouvrir une boutique virtuelle, en ligne, en s’affranchissant de l’essentiel des contraintes précitées. Finis les locaux, finis les frais d’aménagement, de gaz et d’électricité, de téléphone. Il est même possible de commencer à vendre des produits sans avoir de stock. Mieux : il n’est pas nécessaire d’acheter le moindre article avant de le mettre en vente. C’est le principe même d’une nouvelle façon de faire des affaires en ligne : le dropshipping. De quoi s’agit-il exactement ? De vendre dans sa propre e-boutique des produits fabriqués et possédés par quelqu’un d’autre, puis de toucher une commission sur les ventes qui sont réalisées. Il suffit donc de disposer d’un site Internet et d’une boutique en ligne — et d’un nom de domaine —, puis de passer des accords avec d’autres entreprises ou plates-formes en ligne pour vendre leurs produits « chez soi ». Aussi séduisant cela puisse paraître, ce n’est pas le paradis pour autant. En effet, les commissions accordées sont le plus souvent modestes, tout au moins au début. Si les affaires marchent bien et que le ou les fournisseurs sont satisfaits, il est en revanche toujours possible de renégocier les accords initiaux. Autre travers propre au dropshipping : l’intégration des données qui concernent les produits mis en vente. Pour vendre, il faut en effet fournir un certain nombre d’informations qui renseigneront les acheteurs potentiels : un ou plusieurs visuels ; un descriptif le plus détaillé possible, parfois un petit laïus supplémentaire, sur l’histoire du produit par exemple ; les tailles et les couleurs disponibles ; le prix, etc. Si tout se passe bien et que les clients sont au rendez-vous, il faut ensuite suivre le déroulement des commandes, des livraisons, éventuellement des retours. Car les fournisseurs n’accordent pas de commission si une vente est annulée… Au final, c’est beaucoup d’énergie, de travail et de temps, et il est indispensable que les commissions accordées par les fournisseurs soient suffisantes pour les rémunérer. De là à gagner confortablement sa vie…

La technologie au secours des sans-emploi et des précaires 

Heureusement, pour le commerce en ligne comme pour n’importe quelle autre activité, les améliorations technologiques sont fréquentes. Ainsi, pour ce qui est du dropshipping, il existe désormais des logiciels ou des applications qui permettent de prendre en charge tout le processus long et fastidieux de téléchargement, de référencement et de présentation des produits. Il est, en effet, possible à présent de sélectionner plusieurs centaines de produits sur le catalogue d’un fournisseur, puis de les importer, de les présenter et de les mettre en vente en quelques minutes seulement. Et ce n’est pas tout : en plus des téléchargement de produits, ils gèrent aussi les stocks, les commandes et les livraisons. Là non plus, la fortune n’est pas garantie, mais au moins le temps consacré à la logistique est-il considérablement réduit. Ce qui en laisse davantage pour communiquer et se faire connaître, pour trouver d’autres partenaires, pour proposer de nouvelles prestations, etc. Bref, pour mener une vraie vie d’entrepreneur !
Les fournisseurs de ces sites de e-commerce sont en général de grandes plates-formes internationales. Grâce aux très nombreux dropshippers, ils trouvent de nouveaux débouchés pour les fabricants avec lesquels ils travaillent et qui, on s’en doute, ne sont pas tricolores. Et ce même si l’on observe un semblant de réindustrialisation dans l’Hexagone, y compris dans le textile, secteur sinistré par excellence.
Licenciés ou éconduits par des employeurs en France, nombre de ces nouveaux entrepreneurs du net gagnent leur vie grâce à des partenaires implantés à l’étranger, via des plates-formes et des technologie elles aussi développées loin de l’Hexagone. Il ne faut donc pas s’étonner si nombre d’entre eux ne privilégient ni le made in France ni les productions locales ou de proximité. C’est dommage, mais les entreprises et recruteurs opérant en France sont en grande partie responsables de cet état d’esprit.