© Pixabay/Miroslava Chrienova

D’un côté, il y a ceux qui invoquent le déclin de la recherche française, provoqué par un sous-financement chronique et son corollaire, la fuite des cerveaux. De l’autre, l’un n’excluant pas nécessairement l’autre, ceux qui condamnent le capitalisme échevelé, les licenciements et les délocalisations. Quels que soient les arguments de chacun, un même constat s’impose : la France a perdu la bataille internationale des vaccins contre le Covid-19. Et c’est un fait : parmi les vaccins disponibles sur le marché en mars 2021, aucun n’a été élaboré par un laboratoire ou une entreprise tricolore.

Tous les grands groupes ont pris du retard

Pour autant, cela signifie-t-il que l’Hexagone doit être relégué au rang de petit pays dépendant qui doit se contenter de quémander le bon vouloir d’autres pour protéger sa population ? Fin mars 2021, il apparaît que le développement et la mise à disposition de vaccins ne suffise pas à endiguer l’épidémie. Nombre de pays subissent en effet deuxième ou troisième vagues, au moins aussi virulentes et meurtrières que la première. Certains États sont certes parvenus à vacciner une grande partie de leur population, mais à l’échelle de la planète, il s’agit encore d’une part infime de la population mondiale.
En outre, les scientifiques ignorent à ce jour combien de temps les personnes vaccinées seront protégées contre le virus et ses différents variants. D’autres solutions arriveront sur le marché au cours des prochains mois et, parmi eux, certains vaccins seront sans doute mis au point en France.

L’usine Fareva d’Amboise, un ancien site de production de Pfizer, produira la vaccin développé par CureVac. © DR


Le point faible en termes de lutte contre la pandémie ne semble pas tant être la mise au point de vaccins, qui existent désormais, que leur fabrication . À quoi bon, en effet, disposer d’un vaccin, aussi efficace soit-il, s’il n’est pas possible de les produire ? À cet égard, l’Hexagone n’est sans doute pas le plus mal loti. Outre Sanofi, qui figure parmi les trois grands fabricants de vaccins dans le monde, un certain nombre de producteurs, sous-traitants, ont également des capacités de production importantes.

De la difficulté de choisir

À cet égard, il est intéressant d’entendre les arguments du directeur de Sanofi France lors de son audition par les sénateurs français. Où l’on apprend notamment que le retard pris par les chercheurs et entreprises tricolores est plus le fait de choix — qui de toute évidence n’a pas été les plus judicieux — entre plusieurs technologies. S’ils n’ont pas choisi l’ARN messager, c’est parce qu’ils avaient le choix entre différentes solutions.
Fallait-il miser sur cette nouvelle technologie, qui n’avait pas encore fait ses preuves, ou sur un procédé à efficacité avérée et qu’ils maitrisaient parfaitement ? Les start-up ont quant à elles creusé la piste de l’ARN messager, faute d’autre option. Et elles ont été les plus rapides et les plus efficaces. Aucun des grands producteurs traditionnels de vaccins, à savoir Sanofi, le Britannique GSK et l’Américain Merck, n’a à ce jour sorti de vaccin contre le Covid-19. Le Français n’est donc pas le seul cancre de la classe. Quant à Pfizer, il ne fait « que » produire le vaccin de BioNtech.

François Gros, un des codécouvreur français de l’ARN messager. © Insitut Pasteur

L’ARN messager, une découverte française

Cajoler l’amour-propre des Gaulois en évoquant la nationalité française des dirigeants de Moderna et d’Astra-Zeneca n’a pas grand intérêt. Pas plus que de dénoncer la nationalité britannique de Sanofi… Il est en revanche utile de rappeler l’histoire de l’ARN messager, grâce auquel Moderna, BioNtech et CureVac ont développé, très rapidement, des vaccins anti-Covid.
Ni la jeune pousse américaine ni les deux Allemandes n’ont en effet découvert le composant qui leur a permis de mettre au point leur vaccin respectif. Ce sont en effet deux chercheurs de l’Institut Pasteur qui ont découvert l’ARNm, en mai 1961. Il y a donc bientôt soixante ans. Ils s’appelaient François Jacob et François Gros.
Avec cette découverte, qui se révèle aujourd’hui capitale, avec la production de vaccins en quantité dès demain et, après-demain, avec l’arrivée de nouveaux vaccins développés dans l’Hexagone, celui-ci fera sa part pour lutter contre la Covid-19. Comme d’autres. Peut-être pas plus, mais certainement pas moins non plus.