Des milliers de kilomètres de lignes ferroviaires ont été fermés par la SNCF. Mais l’heure de leur redonner vie est aujourd’hui venue… © Sofie Layla Thal/Pixabay

Depuis la création de la SNCF, en 1937, 20 000 kilomètres de lignes, en partie hérités d’anciennes compagnies privées, ont été fermés. Et ce n’est sans doute pas fini : d’après le rapport Spinetta, remis en 2018, il faudrait poursuivre ces fermetures de lignes non rentables.
Et quand on sait, selon le même rapport, que 45 % du réseau ferré hexagonal représente moins de 2 % des passagers-kilomètres, de nombreuses zones du territoire ont du souci à se faire…

Missions de services publics et entreprises privées ?

À moins que l’on assiste à un retour en arrière consistant à attribuer des lignes fermées ou sous-utilisées par la SNCF à d’autres entreprises ? Ce faisant, des acteurs privés assureraient demain des missions de service public que la société nationale ne souhaite plus remplir.
De grands concurrents de la SNCF s’aventureront-ils sur ces lignes délaissées par l’opérateur historique ou essaieront-ils au contraire de lui tailler des croupières sur celles qui rapportent ?
La question ne se pose pas en ces termes pour de nouveaux entrants de taille modeste, qui ne souhaitent pas concurrencer la SNCF, mais la compléter. Et se substituer à elle sur certains types de lignes.
C’est le cas notamment de Railcoop, une coopérative qui souhaite redonner vie à des lignes abandonnées. Pour quoi faire ? Pour répondre à de vrais besoins, tout simplement. En quoi en effet est-il rationnel, économique et écologique de passer par Paris lorsque l’on veut se rendre de Lyon à Bordeaux ?
Cette ligne, créée au lendemain de la guerre de 1870 entre deux des plus grandes villes françaises, a été fermée par la SNCF en 2012.

Retisser un maillage régional

Forte de ses 8 000 sociétaires — pour l’instant —, la société coopérative d’intérêt collectif veut relancer cette liaison.
Si tout se passe comme prévu, notamment en termes d’autorisations et de financement, Railcoop desservira Lyon, Roanne, Saint-Germain-des-Fossés, Gannat, Montluçon, Guéret, Saint-Sulpice-Laurière, Limoges, Périgueux, Libourne et Bordeaux, dès 2022.
Alors que l’antique turbotrain, lancé en 1973, circulait toujours entre Lyon et Bordeaux en 2012, ce sont les toutes nouvelles rames Régiolis Coradia Liner, fabriquées par Alstom, qui prendront le relais.
Relier les deux grandes villes n’est pas une fin en soi. L’objectif de Railcoop est en effet de créer un maillage régional, à partir de chaque ville desservie entre Lyon et Bordeaux.
Selon Railcoop, 30 % des gares françaises ne sont plus desservies par un service ferroviaire.
Puis viendront d’autres lignes, comme Thionville-Lyon et Rennes-Toulouse, ainsi que des transversales, qui relieront les branches du réseau TGV de la SNCF.

Railcoop entend exploiter des trains Alstom Régiolis Coradia Liner de dernière génération, comme la SNCF. © Alstom

Commander son Taxirail avec son smartphone

Un autre acteur désire lui aussi redonner vie à des lignes secondaires en déshérence, mais en proposant un service encore inédit. Taxirail, qui est porté par Exid Concept et Développement, un « bureau d’innovations » implanté en Bretagne, propose en effet une nouvelle approche du transport ferroviaire.
Son objectif est de mettre en circulation de petits modules de 16 places assises et 40 debout, autonomes et hybride-électriques. Un prolongateur d’autonomie, fonctionnant à l’hydrogène ou au biogaz, permettra aux batteries de se recharger en cours de trajet.
Grâce à cette solution, il n’est pas nécessaire de circuler sur des lignes électrifiées, sans pour autant recourir aux moteurs Diesel.
Si aux heures de pointe ces « petits trains » pourront respecter des horaires préétablis, comme sur n’importe quelle ligne ferroviaire, ils pourraient aussi circuler à la demande aux heures creuses, grâce à l’intelligence artificielle.
Pour ce faire, il suffirait aux usagers d’appeler un Taxirail, via une borne en gare ou grâce à une appli mobile. La solution définitive n’est pas encore arrêtée.

Les petits modules Taxirail, qui pourront circuler à 100 km/h, seront autonomes et dotés de motorisations hybrides électrique-hydrogène ou électrique-biogaz. © Taxirail

Sur les rails en 2024 ?

Un module Taxirail, qui ne pèse que 8 tonnes, peut circuler à une vitesse 100 km/h, en silence et sans rejeter de CO2. Pour concrétiser son projet, Taxirail s’est associé aux Bretons H2x-Ecosystème pour la mise au point de l’hybridation, et à Multiplast pour les composites des « wagons ».
Quant à la fabrication des modules, c’est l’Alsacien Geismar, « le leader mondial des équipements et services de pose et de maintenance ferroviaire », qui en a la charge.
Des contacts ont déjà été pris avec plusieurs régions, la Bretagne et la Normandie notamment. Mais il faudra de toute façon attendre 2024 au plus tôt pour voir ces wagonnets circuler sur de petites lignes françaises.
Ces projets sont en bonne voie et devraient se matérialiser dans un avenir proche. Et ce renouveau du réseau ferroviaire hexagonal se fera, semble-t-il, sans la SNCF…