Des jeans sont à nouveau fabriqués en France depuis quelques années. Leur fabrication sera demain automatisée par le groupe Mulliez, dans une toute nouvelle usine implantée dans le nord de l’Hexagone. © Unsplash/waldemar Brandt

S’il y a bien une catégorie de produits qui fait le bonheur des fabricants asiatiques, c’est celle des chaussures de sport. Quelques modèles de sneakers haut de gamme sont certes produits en Italie, au Portugal, en Espagne, en Grande-Bretagne ou en France. Mais cette production est marginale.

Une main-d’œuvre dix fois plus chère

L’essentiel de la fabrication des tennis et autres baskets a depuis longtemps déménagé en Extrême-Orient. Pourquoi ? Parce que le processus d’assemblage des différents éléments qui composent une chaussure nécessite beaucoup de main-d’œuvre. Or, l’Asie est imbattable en termes de coût de cette main-d’œuvre.
À titre d’exemple, une personne qui travaille en France dans la confection coûte 0,50 centime d’euro par minute à son employeur. Ce coût est respectivement de 0,30 centime au Portugal, de 0,13 en Tunisie et en Roumanie et de 0,05 centime en Chine.
Ce qui n’empêche pas les marques de se tourner vers le Vietnam, la Thaïlande, l’Indonésie, l’Inde ou le Bangladesh pour contourner la hausse des coûts chinois…
Malgré cette hausse, un(e) Français(e) « coûte » donc dix fois plus cher qu’un Chinois. N’oublions pas cependant que la main-d’œuvre n’est qu’un composant des coûts de production.

Faire le pari de l’automatisation

C’est pour contourner cet énorme différentiel de coût que l’automatisation apparaît pour beaucoup comme la solution. Quant à la création d’emplois, les usines automatisées ne pourraient pas remplacer tous ceux qui ont été détruits par les délocalisations. Loin s’en faut. Elles en créeraient quelques-uns seulement, mais permettraient en revanche de diminuer les transports internationaux et les importations. Et donc le déficit commercial.
L’automatisation n’est pas la panacée, mais il s’agit d’un élément de réindustrialisation. C’est la voie qu’ont choisie certains géants français de la grande distribution. Fashion Cube, qui réunit les enseignes Jules, Bizzbee, Pimkie ou encore Grain de Malice du groupe familial Mulliez, devrait ainsi inaugurer une usine de fabrication de jeans fin 2021 ou début 2022.
Quant à Decathlon, une autre entreprise de la nébuleuse Mulliez, elle s’appuie sur des sous-traitants tricolores pour tenter quelques expériences locales. Elle commercialise ainsi une chaussure de montagne constituée notamment d’un tissu technique développé et fabriqué en France.

La chaussure de foot Traxium Compressor, de Kipsta, est fabriquée en France (Loire-Atlantique) par l’entreprise Demgy. © Demgy.

Une chaussure de foot pas comme les autres

Elle a ainsi développé une nouvelle chaussure de football pour sa marque Kipsta avec Demgy, une ETI implantée notamment en Pays de la Loire. Et quoi cette nouvelle chaussure est-elle exceptionnelle ? Elle sera prochainement fabriquée en France, par Demgy.
La Traxium Compressor, c’est son nom, est en effet constituée d’une seule pièce. Elle est même fabriquée en « une seule passe », à partir d’un seul matériau.
Hybride de chaussure et de chaussette, elle est sans lacet et s’enfile comme une chaussette, justement. Ces caractéristiques étonnantes rendent le processus de fabrication très simple et totalement automatisable. Quarante prototypes ont en revanche été nécessaires avant d’aboutir au modèle définitif.
Issue de l’économie circulaire, la Traxium Compressor est 100 % recyclée et recyclable. Elle ne génère aucun déchet, ne nécessite aucune colle, etc. Résultat : une paire de ces chaussures d’un genre nouveau est, selon ses concepteur et fabricant, particulièrement confortable — pas de couture, pas de surépaisseur ou de plis — et solide. Pour preuve, Kipsta garantit d’ailleurs la Traxium Compressor pendant dix ans contre le décollement de la semelle.

Associer grandes entreprises, économie locale et écologie

Le développement de ce nouveau modèle de chaussures de sport montre que l’on peut associer technologie, économie, emplois locaux et développement durable. Pour preuve, ce projet est accompagné par l’Ademe des Pays de la Loire. L’Agence de la transition écologique — ex Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie — soutient en effet Kipsta et Demgy via le dispositif d’aide ORPLAST, consacré au recyclage des plastiques.
Pour vérifier la solidité et le confort de sa création, Kipsta l’a fait tester, avec succès, en Ligue 1. Les deux partenaires entendent produire 1 000 à 3 000 paires chez Demgy, en Loire-Atlantique. Si les acheteurs sont au rendez-vous, la production pourrait ensuite passer à 15 000, voire 30 000 paires dès 2022. Des quoi occuper les 180 salariés de l’usine de Gétigné.