Consommation ou investissement ? A chacun son idée, à chacun ses arguments. Pour les tenants de la relance par la consommation, il s’agirait de donner enfin quelque argent à ceux qui en ont le plus besoin, à ceux qui, avec ou sans emploi, vivent chaque fin de mois avec appréhension. L’intention est louable et sans doute vaut-il mieux en effet soutenir ces Français plutôt que ceux qui doivent faire des pieds et des mains qui pour dépenser leur argent, qui pour le placer et se soustraire à l’impôt. Jusqu’à présent, ce sont les membres de la deuxième catégorie qui ont bénéficié des mesures de l’Etat et cela, justement, au nom de la relance de la consommation. Peut-être ces heureux élus ont-ils profité de ces largesses pour acheter du « Robien » et ainsi, selon la formule consacrée, « transformer leur impôt en patrimoine ». Peut-être ont-ils placé le surplus inattendu de liquidités dans quelques valeurs sûres de la Bourse. Hier, les pro-consommation d’aujourd’hui demandaient des investissements pour l’éducation, les services publics, le réseau ferré, etc., cela afin de préparer l’avenir. Mais la mode était alors à la consommation. Quelle est aujourd’hui la proportion des cadeaux accordés partie en fumée ? Qu’elle sera-t-elle demain lorsque les prix de l’immobilier auront retrouvé un niveau en rapport avec les revenus de la majorité des Français ?

Consommer hier, investir aujourd’hui
Cela dit, à quoi bon prôner la consommation à tout va alors que cette consommation à outrance est un des maux du monde aujourd’hui ? A quoi bon remplir ses placards d’objets inutiles que l’on s’empressera de remplacer lors des prochains soldes ? On peut effectivement se poser la question. On est cependant en droit de croire que les familles qui ont juste de quoi vivre profiteraient du surplus de pouvoir d’achat pour améliorer leur quotidien sans pour autant être prises d’une soudaine frénésie consumériste. Les pro-investissement refusent-ils la relance de la consommation pour les dangers qu’elle représente pour la planète ? Certainement pas. Ce sont eux en effet qui, il y a six mois à peine, vantaient l‘expansion continue du crédit, l’importation en France du crédit hypothécaire rechargeable, si bénéfique outre-Atlantique, etc. Ce sont les mêmes qui considéraient les Français comme sous-endettés, cela expliquant en partie le retard économique pris par le pays par rapport aux anglo-saxons notamment. La consommation, ils y croient tellement qu’il s’agit pour eux du seul modèle, de l’unique moyen de vivre heureux. Si ces zélateurs d’hier condamnent aujourd’hui le recours à la consommation pour relancer l’économie, c’est parce qu’il s’agit d’aider les petits revenus, ceux qui ne peuvent s’offrir que des produits d’importation, bas de gamme pour l’essentiel. C’est en tout cas l’argument avancé par M. Philippe Daubresse sur RFI, le mardi 3 février 2009. Selon le secrétaire général adjoint de l’UMP, également président de l’Anah, l’Agence nationale de l’habitat, « Tous ceux qui préconisent de relancer la consommation, comme ça été fait en 1981, Madame Aubry par exemple, aboutirait au même résultat, c’est-à-dire que l’on donnerait de l’emploi dans le Sud-Est asiatique, peut-être un petit peu, qu’on aggraverait les déficits et que l’on ne donnerait pas d’emplois en France. Par exemple on peut donner beaucoup d’emplois, c’est ce que veut faire le gouvernement, dans le bâtiment, qui est fort touché par la crise (…). »

Une seule option, l’exportation
A force de laisser libre le marché, de rogner sur les salaires pour concurrencer des pays où l’on se contente d’un euro par jour pour vivre, à force de niveler tout par le bas, de montrer du doigt les lourdeurs et l’obsolescence du modèle français, les privilèges des fonctionnaires et la fainéantise des jeunes, à force de casser ce que d’autres ont mis tant de temps à construire, le constat est sans appel : les « Français moyens » ne peuvent plus s’offrir leur propre production. Ils doivent désormais se contenter d’acheter des produits bon marché importés d’Asie ou d’ailleurs. Est-ce la raison pour laquelle l’exportation est présentée comme le levier indispensable au développement des PME françaises ? Ne serait-il pas préférable de les accompagner pour qu’elles fournissent leur marché domestique avant de les faire rêver à un hypothétique Eldorado, par-delà nos frontières ? Si relance il y a, elle profitera donc avant tout aux banques, à Bouygues, Vinci et Eiffage, à Peugeot et à Renault, etc., bref à autant d’entreprises qui, mêmes si elles représentent des centaines de milliers d’emplois qu’il faut préserver – y compris chez les sous-traitants –, sont les symboles du modèle de développement économique qui s’écroule aujourd’hui. Quant aux autres, entre autres les PME, la chose est entendue : une relance potentielle de la consommation française ne pourrait pas leur profiter. Alors n’y pensons plus. Ces entreprises, dont on ne cesse pourtant de vanter les mérites, devront donc attendre la prochaine débâcle pour être soutenues. A condition d’exister encore, bien entendu.