L'exemple italien
La France n’est pas le seul pays où les délocalisations détruisent progressivement le tissus industriel, mais tous ne réagissent pas de façon analogue. Voyons par exemple ce qui se passe en Italie. Dans ce pays voisin, la valorisation des produits fabriqués localement est claire, visible, permanente, les vendeurs n’hésitant pas à préciser que tel sweat-shirt, fabriqué en Italie, est certes plus cher, mais de bien meilleure qualité. Les deux photos ci-contre, prises à l’aéroport de Florence, montrent également que certaines boutiques ne proposent que des produits italiens, tandis que quelques publicités de marques transalpines n’hésitent pas à afficher, on ne peut plus clairement, que leurs produits sont «complètement fabriqués en Italie ».

Quel contraste avec ce qui se fait en France. Ici, nous sommes chaque jour les témoins d’un paradoxe : les entreprises qui fabriquent en France ne le revendiquent pas ou peu, tandis que celles qui produisent ailleurs mettent en avant leur héritage et leur savoir-faire français. Les consommateurs bien intentionnés, qui essaient d’acheter des produits Made in France, qui pour préserver l’emploi, qui pour ménager l’environnement, qui pour Dieu sait quelle autre raison encore, ont donc toutes les peines du monde à s’y retrouver… Que la législation soit floue – voire laxiste – à cet égard est une évidence. Les marques peuvent sans risque continuer à écrire « France » ou « Paris » à côté de leur nom, quand bien même appartiendraient-elles à des capitaux étrangers, leurs produits étant intégralement importés de Chine, de Roumanie – ou même d’Italie, justement. Ces grands noms réussissent ainsi à obtenir le beurre, autrement dit l’image de marque de la France ou de Paris, tout en conservant l’argent du beurre, en l’occurrence celui gagné en fabricant à bas coût tout en vendant très cher. Un rêve d’entrepreneur en quelque sorte ! Ou plus exactement d’un certain type d’entrepreneurs. Tous en effet n’ont pas le profit comme finalité, même si l’objectif de toute entreprise est de gagner de l’argent. Certains continuent ainsi de travailler en France, ce qui signifient qu’ils acceptent de diminuer leurs marges. Pourquoi alors, puisqu’ils bénéficient eux d’une vraie légitimité pour mettre en valeur leurs fabrication et savoir-faire français, pourquoi tous ne valorisent-ils pas davantage ces arguments, que ce soit dans leur communication ou sur leurs produits ?

Ce sont ceux qui en parlent le plus…
C’est assez logique si l’on en croit le vieil adage populaire selon lequel « ce sont ceux qui en parlent le plus qui en font le moins », et réciproquement. Les moyens financiers dégagés par leurs concurrents délocaliseurs permettent en effet à ceux-ci de parler beaucoup, de communiquer et d’occuper l’espace. Partant, ils éclipsent totalement les autres, ces « braves » fabricants véritablement français qui, en payant salaires, charges et cotisations sociales en France, n’ont pas les moyens de dépenser des fortunes pour inonder les magazines de leurs publicités. Peut-être les commerces – petits et grands – qui écoulent leur production peuvent-ils alors prendre leur relais et vanter leurs mérites. Certains le font, d’autres, en particulier chez les grands distributeurs, n’ont aucune idée de l’origine de fabrication des articles qu’ils sont, pourtant, chargés de promouvoir. A la première question quant au pays de fabrication, ils se réfugient derrière un vague « Vous savez maintenant, presque tout est fait en Chine », cela soit par facilité, soit pour ne pas risquer les foudres des autres marques, tellement plus puissantes financièrement.
Le patriotisme italien dérape parfois et prend alors des connotations racistes, dans les stades de football notamment. Mais entre ces excès stupides et l’inaction qui semble être la règle de notre côté des Alpes, on doit pouvoir trouver un juste milieu. Nullement par nationalisme ou par chauvinisme : les Français ne valent ni plus ni moins que les autres. Non, simplement pour que les entreprises qui font vivre la communauté soient un peu plus visibles. Et les autres un peu moins.