Les producteurs de lait sont fort mĂ©contents et le font bruyamment savoir. Qui accepterait en effet, et sans broncher, une baisse de 30% de ses revenus ? Ce que cette nouvelle crise rappelle, c’est que baisse des prix en amont – lors de l’achat aux producteurs – n’est pas forcĂ©ment synonyme de baisse des prix en aval – lors de la vente aux consommateurs. Il sera Ă  cet Ă©gard intĂ©ressant d’observer les prix dans les cafĂ©s et les restaurants après la prochaine baisse de la TVA…
Mais qu’y a-t-il d’Ă©tonnant Ă  cela ? C’est en effet une constatation gĂ©nĂ©rale, et ce quel que soit le secteur observĂ©. Dans leur malheur, les producteurs de lait ont qui plus est une chance : celle de ne pas Ăªtre soumis Ă  la concurrence des pays Ă  bas coĂ»ts. Le rĂ©cent scandale du lait chinois empoisonnĂ© devrait en outre calmer quelque temps toute vellĂ©itĂ© de s’approvisionner de ce cĂ´tĂ©-là…
Les fabricants de textile, de jouets ou de chaussures n’ont pas eu cette chance. PlutĂ´t que d’avoir Ă  nĂ©gocier des baisses – de toute façon insuffisantes Ă  leurs goĂ»ts – auprès des producteurs Dessin laitfrançais, les intermĂ©diaires, industriels ou commerçants de tout poil, ont tout simplement choisi de se passer d’eux et de se tourner vers l’Afrique du Nord, l’Asie ou l’Europe de l’Est. Les prix des blousons de ski, des jeans, des sous-vĂªtements ou des jouets ont-ils baissĂ© depuis que les petites mains Ă  l’Å“uvre ne sont plus françaises, mais chinoises, bulgares ou tunisiennes ? La principale consĂ©quence de cette pratique a Ă©tĂ© d’inciter certains fabricants français Ă  dĂ©localiser pour retrouver les marchĂ©s perdus. Ce qui est dĂ©noncĂ© aujourd’hui pour le lait n’est que la continuation logique du modèle Ă  l’Å“uvre en France, en Europe et ailleurs depuis des lustres. Et les intermĂ©diaires montrĂ©s du doigt aujourd’hui, notamment la grande distribution, ne profitent pas plus du système que telle ou telle grande marque qui ne fabrique plus, mais se contente d’acheter lĂ  oĂ¹ cela coĂ»te le moins cher, pour ensuite revendre dans l’Hexagone Ă  des tarifs, pour le coup, très supĂ©rieurs Ă  ceux pratiquĂ©s par les grandes surfaces. Heureusement pour ces marques, les ouvriers roumains – mĂªme si ceux de Dacia ont prouvĂ© le contraire –, marocains ou vietnamiens ne viendront jamais assiĂ©ger la prĂ©fecture de tel ou tel dĂ©partement pour dĂ©noncer le diffĂ©rentiel existant entre le prix public affichĂ© pour tel produit et ce qu’ils ont touchĂ© comme salaire de misère pour le fabriquer.
Les producteurs français de lait devraient cependant faire attention Ă  ne pas trop mĂ©contenter ceux qui transforment et vendent leur production aux consommateurs, car demain, si les règles en vigueur – ou plutĂ´t l’absence de règles – restaient ce qu’elles sont, industriels et grande distribution pourraient bien dĂ©cider d’acheter leur lait en Pologne, en Ukraine ou ailleurs. Sans pour autant baisser leurs prix de vente, cela va sans dire.