Dans le numéro des Echos daté du 27 juillet 2009, un titre en Une : « Comment Thomson a été sauvé de la faillite ». En lisant l’article, on apprend que Thomson, ex champion industriel français et ancien fleuron de l’électronique grand-public, vient in extremis d’éviter la faillite. M. Frédéric Rose, son nouveau dirigeant, est en effet parvenu à trouver un accord avec les créanciers de l’entreprise, ceux-ci acceptant d’entrer au capital du groupe et, du coup, de diminuer les dettes de moitié environ, à 1,55 milliard d’euros. Comment cette entreprise a-t-elle pu en arriver là ? Passons sur les multiples péripéties qui firent passer Thomson du statut de conglomérat à la française, qui produisait en son temps des lave-linge, des téléviseurs, des radars ou encore des câbles ou des puces électroniques, à celui d’entreprise spécialisée dans les services aux professionnels de l’audiovisuel. En 2001-2002 en effet, le patron de Thomson, un certain Thierry Breton, décide d’abandonner l’électronique grand-public — vendue au Chinois TCL — pour se consacrer aux professionnels de l’audiovisuel, en achetant notamment les entreprises Technicolor et Grass Valley.
Pourtant, jamais l’électronique grand-public, qu’il s’agisse des téléviseurs, des baladeurs, des lecteurs DVD, des décodeurs, des caméscopes, etc., n’a occupé autant de place dans nos vies. Philips, Sony, Sharp et autres Samsung sont toujours là, malgré une concurrence exacerbée, et en bien meilleure santé semble-t-il que leur ex rival français. Thomson est en effet toujours criblé de dettes, la nouvelle direction menant des discussions pour vendre Grass Valley, un des principaux foyers de perte de l’entreprise. Le magistral changement de cap opéré par Thierry Breton et par son successeur et disciple Franck Dangeard est en tout point un succès… Et ce sont bien entendu les salariés qui depuis essuient les plâtres. Les effectifs sont passés de 23 000, il y a un an, à 20 000 aujourd’hui. Pourtant, au milieu de ce gâchis, deux bonnes nouvelles : l’usine de décodeurs d’Angers (330 salariés), devrait être finalement conservée par Thomson, faute de repreneur (mise à jour décembre 2011 : le site est menacé, France Telecom lui retirant la fabrication de ses Livebox). Le centre R&D de l’entreprise, basé en Inde, devrait quant à lui être rapatrié à Rennes. Avec ses Indiens ?

Changer le nom de l’entreprise
Prochaine étape envisagée de cette énième restructuration : le changement de nom du groupe. Alors que des entreprises paient des sommes colossales pour acquérir de simples noms, synonymes de patrimoine, de savoir-faire, pour profiter d’une image forte auprès de la clientèle, Thomson préfère abandonner le sien. Pourtant, combien de Français achètent-ils encore aujourd’hui des téléviseurs de cette marque, parce qu’elle est française, ignorant que les modèles sont fabriqués par le Chinois TCL depuis des années ? Thomson fait encore partie du patrimoine industriel national. Nombre de téléviseurs, mais aussi de lave-linge ou de réfrigérateurs Thomson fonctionnent encore aujourd’hui. Malgré cet attachement, les dirigeants actuels préfèrent changer d’identité : « Nous avions sous-estimé le poids du nom Thomson, qui est devenu un fardeau », explique ainsi Frédéric Rose. Bravo les stratèges. Bravo Thierry Breton en particulier.
Avant de « dissoudre » Thomson**, ce diplômé de Supélec avait déjà sévi chez Bull — une autre entreprise française quasi disparue —, où il termina vice-président. Après Thomson, c’est au tour de France Telecom de goûter à ses méthodes. Changement de statut et de culture, transformation d’une entreprise publique endormie en une entité privée et compétitive et dynamique… En cette fin de juillet 2009, un salarié de France Telecom a mis fin à ses jours. Avant de passer à l’acte, il a pris soin de préciser, dans une lettre, qu’il ne supportait plus la pression ni le management par le stress de son employeur. Et ce n’est visiblement pas le premier.
Après la transformation radicale de France Telecom, Thierry Breton est récompensé et nommé ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, poste qu’il occupera de 2005 à 2007. Puis, jusqu’à novembre 2008, il enseignera l’économie et la corporate governance à Harvard. A combien d’étudiants a-t-il fait part de son formidable talent de stratège ? A combien a-t-il transmis ses secrets de la bonne gouvernance ? Aujourd’hui, Thierry Breton dirige Atos Origin. En Une des Echos du 29 juillet, il est tout sourire. Objectifs affichés par l’ancien ministre :  faire subir à la SSII française « une profonde mutation », en faire une entreprise « véritablement intégrée », faire qu’elle atteigne « une rentabilité comparable aux meilleurs du secteur ». Autre priorité stratégique : « le renforcement des capacités offshore » qui, en Inde, en Pologne, au Maroc ou en Argentine, représentent déjà près de 15 % des effectifs d’Atos. Les salariés d’Atos Origin ne doivent pas être rassurés…
Rendez-vous dans quelques années, une fois cette nouvelle mutation opérée.

A lire également
Made in Japan ou made in France, choisissez  bien votre patron