Une élection importante va se dérouler en Tunisie le 25 octobre 2009. Importante en théorie, car dans les faits, elle n’a aucun enjeu. La Tunisie n’est pas ce que l’on appelle un pays démocratique, dans lequel l’issu d’un scrutin est toujours incertaine. En Tunisie, elle ne l’est pas. La seule inconnue est le pourcentage de voix que M. Ben Ali obtiendra pour ce cinquième mandat : 90, 95, 98 % des votes ? Suspense. Comment appelle-t-on un régime dans lequel l’opposition n’a pas voix au chapitre, dans lequel dissidents, opposants ou tous ceux considérés comme tels sont torturés, dans lequel la presse est censurée ?
Peu importe, car la Tunisie est un avant tout un pays ami, où il fait bon passer des vacances pas trop chères. La Tunisie, c’est un peu l’Espagne de Franco : on y va pour le soleil bon marché en fermant les yeux sur le reste.
Et puis surtout, les affaires entre les deux rives de la Méditerranée sont florissantes. Les entreprises françaises y sont les plus nombreuses. Elle sont 12 000 à y avoir créé au total 106 000 emplois. Combien en ont-elles supprimés en France ? Quatre entreprises étrangères sur dix implantées en Tunisie sont en effet françaises. Dans le secteur du textile-habillement, les plus grandes marques de lingerie, de jeans, de vêtements et de chaussures pour enfant, de tenues de ski, etc., ont quitté l’Hexagone pour la Tunisie. Mais chacun sait que si les entreprises occidentales s’implantent au Sud ou à l’Est, c’est essentiellement pour apporter bien-être et prospérité aux populations locales. Les jeunes Tunisiens peuvent en témoigner…
Sur place, à deux heures seulement de Paris, les entreprises profitent d’une main-d’œuvre jeune et abondante, qui sait être docile, et qui se contente de 150 euros en moyenne par mois (225 dinars pour 40 heures, 260 pour 48 heures). Il existe même un organisme officiel, la CTFCI, pour mettre un peu d’huile dans les rouages si nécessaire. Le rêve… C’est certes un peu plus cher que l’Asie, mais tellement plus simple, notamment pour ce qui est du « contrôle qualité ». Sans parler bien sûr des frais de transport, sans commune mesure. Bref, la Tunisie, pour un certain type de chefs d’entreprise, c’est le paradis.
Après tout, pourquoi payer 1500 euros un Tunisien immigré en France quand on peut lui donner dix fois moins dans son pays d’origine, tout en vendant au même prix ce qu’il a fabriqué ? Les autorités françaises multiplient d’ailleurs les accords avec leurs homologues tunisiens pour développer encore ces implantations. Et celles-ci ne concernent plus depuis longtemps le seul textile, mais également l’électro-mécanique (Sagem, Alcatel, Valeo…) ou encore l’aéronautique.
Il y a quelques années, Total a été à juste titre critiquée pour les affaires qu’elle faisait en Birmanie. Quid des milliers d’entreprises françaises qui participent, certes indirectement mais très efficacement, au maintien de régimes autoritaires en Tunisie ou en Chine, qui ferment les yeux sur leur véritable nature tant que leurs investissements sont garantis, protégés ? Et nous, consommateurs, quel rôle jouons-nous en achetant des produits de telles entreprises ?