L’Etat est de retour et ça va barder ! Fini les capitalistes purs et durs, seulement sensibles aux considérations comptables, généralement en parfaite adéquation avec les intérêts des actionnaires. L’Etat est décidé à mettre de l’ordre, à montrer que l’on ne peut plus faire n’importe quoi pour de simples questions d’argent. L’homme, oui l’homme, est beaucoup plus important.
Il se trouve que l’Etat français est lui aussi actionnaire, et pas un de ces petits porteurs, comme on dit…. Non, l’Etat est un actionnaire poids lourd, souvent le premier. Alors quelles actions concrètes cet actionnaire a-t-il mises en œuvre pour pouvoir dispenser leçons et conseils ?
Mettons de côté les suppressions de milliers de postes de fonctionnaires puisque ces agents, comme chacun sait, « se les roulaient » aux frais du contribuable depuis des dizaines d’années, et que l’Etat doit se montrer exemplaire est termes de gabegie. Laissons également le cas France Télécom grâce auquel nous savons désormais que ni l’Etat actionnaire (27%) ni le statut de fonctionnaire (pour 70% des salariés) ne sont plus, très loin s’en faut, des gages de tranquillité d’esprit et de sécurité de l’emploi.
Intéressons-nous plutôt à d’autres entreprises au sein desquelles l’Etat est partie prenante.

Se débarrasser au plus vite des activités « obsolètes »
Plus de la moitié des véhicules vendus par Renault — 15% des actions pour l’Etat français — est désormais fabriquée à l’étranger. Transfert de production qui concourt activement au déficit du commerce extérieur hexagonal, puisque les petits véhicules subventionnés par l’Etat avec la prime à la casse sont essentiellement produits ailleurs. En outre, il a été récemment décidé de délocaliser une ligne de production de l’usine de Douai, probablement au Maroc, ligne qui représente 30% de l’activité du site. Selon les propos de la direction, il s’agit d’activités obsolètes. C’est vrai que construire des portes et des capots pour les voitures, c’est un peu dépassé. Mais enfin admettons… Voyons donc à présent l’exemple Thalès, dont l’Etat est actionnaire à hauteur de 27%. « Les sous-ensembles (claviers et écrans), parties intégrantes des visualisations des hélicoptères militaires de la flotte NH 90, produits au Haillan (Gironde), vont être confiés à une société espagnole. La délocalisation devrait être effective d’ici au début de l’année prochaine ». Claviers et écrans, visualisation, hélicoptères militaires, que du vieux, du dépassé… Pour mémoire, la production des appareils de visualisation de la famille des Airbus avait déjà été transférée à Singapour. Rappelons aussi qu’Airbus et EADS, dont l’Etat est actionnaire à hauteur de 15%, ont également délocalisé une partie de l’activité des centres français grâce à la création du site flambant neuf d’Aérolia, — filiale créée pour l’occasion — en Tunisie. Activités obsolètes sans doute, là aussi. Continuons. Plus de 1 000 suppressions de postes sont également prévues chez Air France, dont l’Etat détient encore 16%. Chez Safran, détenue à 30 %, toute l’activité communication (TV, fax, téléphone, modem type Livebox, Neufbox, etc.) a été cédée au fonds américain Gores Group, l’activité portable étant elle vendue à un autre fonds, français celui-là. Rappelons que l’Etat actionnaire n’avait pas non plus empêché Thalès de se débarrasser de son activité navigation (Magellan), cédée à un fonds américain, avant de passer sous pavillon taïwanais depuis le rachat de l’ensemble par Mitac.

Vingt emplois sauvés, ça impressionne !
Automobile, aéronautique, avionique, télécommunications, téléphone mobile, géolocalisation, autant de d’activités d’un autre temps dont il convient de se désengager au plus vite, pour préparer l’avenir. Plus terre à terre, on se souvient également du nouveau contrat passé par l’armée française qui prévoit le transfert de fabrication en Tunisie de ses fameux rangers, fabriqués depuis quarante ans en Dordogne par Marbot. Ah!, la Tunisie, l’Eldorado économique — démocratique ? — à deux heures de Paris…
Soyons beaux joueurs et reconnaissons également les succès, surtout lorsqu’ils sont éclatants : l’Etat a ainsi activement participé à la sauvegarde de 20 emplois sur les 283 que comptait le site haut-garonnais de l’Américain Molex. Mieux, dans un avenir proche, 60 à 70 emplois pourraient être créés ! Et ce n’est pas tout, le ministre en charge du dossier a annoncé qu’ « il voulait une montée en puissance de 200 à 300 emplois dans les trois ans à venir ». Et quant un ministre et l’Etat veulent… Le repreneur HIG — un autre fonds américain — doit déjà sentir une énorme pression sur ses frêles épaules.