© La Fabrique hexagonale

Dimanche et lundi derniers, les 23 et 24 mai, la campagne est montée à la ville ! Avec Nature Capitale, les Jeunes Agriculteurs (JA) et le metteur en scène Gad Weil — qui avait déjà transformé les Champs-Elysées en champs de blé il y a quinze ans —, ont mené une grande opération de communication et de séduction auprès des citadins, des Parisiens en l’occurrence. En installant 8000 parcelles de plantation à Paris, les agriculteurs souhaitaient montrer toute l’étendue, tout le potentiel de terroir hexagonal. Ils voulaient également prouver aux consommateurs français que du Nord au Sud, d’Est en Ouest et dans les départements et territoires d’outre-mer, tout ou presque pousse en France. Pourquoi alors importer l’essentiel de ce que nous consommons ? Pourquoi l’Espagne fournit-elle à elle seule 40% environ des fruits et légumes que nous mangeons ? A en croire les quelques arguments entendus ici et là, les JA prônent une agriculture différente, raisonnée. Avec une cible privilégiée : l’Espagne. Notre voisin du Sud-Ouest est en effet connue pour ses immenses exploitations agricoles sous serres, dans lesquelles la main-d’œuvre immigrée travaille dans des conditions déplorables.

Bonnet d’âne
Mais l’Espagne est également un de nos principaux fournisseurs de produits bio, dont les consommateurs français sont de plus en plus friands. Pourquoi ? Parce que l’offre de tels produits est très insuffisante en France. En Europe, l’Hexagone serait même un très mauvais élève à cet égard, avec seulement un peu plus de 2 % de sa surface agricole utilisée (SAU) consacrés au bio. Les lobbies des semenciers et autres fabricants d’engrais ou de pesticides sont très influents en France, auprès de la toute puissante FNSEA en particulier, dont les Jeunes Agriculteurs sont très proches. De telles accointances peuvent difficilement favoriser l’essor du bio, qui bannit tout produit chimique.
Organiser des manifestations comme Nature Capitale est sous doute utile pour tenter de réconcilier les Français et leurs « paysans ». Mais avec les abus de l’agriculture intensive, la pollution par les engrais des nappes phréatiques ou les subventions exorbitantes que reçoivent certains, les pommes de discorde entre eux sont nombreuses. Hier, les agriculteurs ne faisaient sans doute qu’appliquer ce qu’on leur demandait, ce qu’on leur enseignait. Ils pensaient certainement bien faire. Mais aujourd’hui ? Un des JA présents lors de Nature Capitale reprochait à l’Espagne de ne pas être soumise aux mêmes règles, notamment quant aux OGM, prohibés en France. Condamnait-il alors les OGM ou regrettait-il plutôt de ne pas pouvoir lui aussi en faire usage ? Selon le site de la FNSEA, ce syndicat et les JA sont favorables à l’emploi des OGM. Pour quelle raison ? Pour ne pas se faire distancer par les Américains ! Selon le sondage réalisé par Greenpeace et le CSA en 2008, plus de 70 % des Français sont hostiles aux OGM. Il va probablement falloir un peu plus que quelques plans de petits pois, de haricots ou de luzerne sur les Champs-Elysées pour les réconcilier avec ces jeunes agriculteurs, qui demain grossiront pour beaucoup les rangs de la FNSEA. Et quant à savoir s’il faut privilégier des fruits ou des légumes français dont on ne sait rien à leurs homologues espagnols, italiens ou allemands certifiés bio…