Un petit tour à la Fnac nous enseigne une chose : les Chinois ont bel et bien changé de statut. Ils ont commencé par fabriquer des marchandises bas de gamme pour des marques distributeurs, puis par manufacturer l’essentiel des produits des grandes griffes occidentales ou japonaises, sans jamais apparaître autrement que par le biais de l’omniprésente petite étiquette made in China. Ils ont ensuite fait quelques emplettes, achetant par exemple les PC d’IBM, vendus depuis plusieurs années sous la marque Lenovo. Avant d’acheter de « grands » noms de l’Ouest pour les apposer sur leurs marchandises : les téléphones mobiles Alcatel sont à présent 100 % chinois, comme l’étaient hier les téléviseurs LCD  Thomson, avant qu’ils ne disparaissent de la circulation. Tout récemment et dans un autre domaine, la Chine a mis la main sur le constructeur automobile Volvo, sur son image et sa technologie. Dernier avatar de cette mainmise progressive de ce pays sur l’industrie mondiale : l’arrivée sur le marché de marques chinoises, fières de leurs origines et sûres de leurs forces.
Retour à la Fnac, rayon hifi : connaissez-vous Dared, Ladiva, Cayin, Shanling ou Consonance ? Toutes sont chinoises et n’ont plus rien à voir avec des sous-marques d’entrée de gamme. Certes, les appareils premiers prix sont encore fabriqués en Chine, ou ailleurs en Asie du Sud-Est, mais pour le compte des géants japonais de l’électronique grand public ou pour quelques rares occidentaux. Au contraire, les amplis à tubes et autres lecteurs de CD de ces fabricants chinois fraîchement débarqués sont du matériel audiophile, vendu en moyenne 1 000 euros pièce pour les éléments les moins chers.
Ces tout nouveaux venus ne sont pas relégués dans un quelconque recoin du magasin. Ils sont au contraire mis en valeur, au centre de toutes les attentions, isolés de la masse des autres marchandises, prêts à être écoutés et appréciés par des acheteurs potentiels. Et les Français, dans tout ça ? Où sont-ils au sein de cette enseigne hexagonale et grand public ? Si quelques rares enceintes acoustiques tricolores sont représentées, ils sont en revanche totalement absents du rayon électronique, à l’exception de marques comme Carat-Audio ou Vecteur, nées ici, mais qui font tout fabriquer en Chine.
Quand il s’agit de proposer au public des amplis ou des paires d’enceintes à 150 ou 200 euros, on comprend bien que le made in France ne soit pas compétitif. Mais lorsque les prix affichés débutent à 1 000 euros, ce n’est plus vrai. Peut-être « ma » Fnac est-elle une exception. Peut-être les fabricants français de matériel hifi ont-ils toute leur place dans les autres magasins de la chaîne. C’est peu probable. Alors à quoi bon continuer à fabriquer quoi que ce soit en France si, ensuite, cette production ne peut être écoulée que dans des réseaux spécialisés, réservés à des publics avertis et forcément limités ?