Si on augmente encore la pression fiscale, « ceux-qui-créent-de-la-richesse » —
sous-entendu : les autres ne génèrent que du déficit, notamment par les transferts sociaux dont ils bénéficient —, ne vont pas tarder à quitter le pays, c’est sûr…
Pourtant, si l’on en croit le petit livre rouge écrit par Thomas Picketty, Emmanuel Saez et Camille Landais, intitulé Pour une révolution fiscale*, ceux qui sont censés payer déjà trop d’impôts ne semblent pas forcément être les plus mal lotis. Pis, ce sont les revenus les plus bas qui contribuent le plus, proportionnellement, à la fiscalité nationale, par le biais de la TVA et de la CSG en particulier. Les auteurs ne se contentent pas de ce constat, ils proposent des solutions. Ainsi le remplacement pur et simple de l’actuel impôt sur le revenu, mité par une multitude de niches et d’exemptions, par un nouvel impôt prélevé à la source, basé sur l’actuelle CSG. Celle-ci rapporte en effet aujourd’hui le double de celui-là.
Ils sont nombreux à critiquer les administrations tentaculaires, leurs coûts prohibitifs, leur lourdeur et leur incompétence… Pourtant, lorsqu’il s’agit de l’alléger, de la simplifier, en procédant par exemple au prélèvement de l’impôt à la source, les pourfendeurs du « mammouth » sont soudain moins virulents… Pourquoi ? Parce qu’en s’offrant les services de toute une kyrielle de spécialistes es niches et es défiscalisation, il est possible de limiter, voire de supprimer totalement sa contribution à l’effort national. Et avec le prélèvement à la source, cette possibilité n’existe plus… Autant lorsqu’il n’est pas dans notre poche, l’argent n’est pas vraiment à nous, autant lorsqu’il y est, en rendre une partie peut devenir un véritable crève-cœur…
Dans cette révolution fiscale, les trois économistes proposent leurs solutions, leurs taux, leurs barèmes, etc. On peut bien sûr ne pas partager ces choix. Pour compléter l’ouvrage « papier », ouvrir le débat et couper court aux critiques, les trois « révolutionnaires » — aidés d’un quatrième — ont en parallèle mis en ligne un site Internet. Cet outil présente, entres autres, différentes configurations ou propositions fiscales — tendances droite, gauche, extrême-gauche et même flat tax, etc. — et leurs répercussions sur le budget de l’Etat, sur les déficits, sur les inégalités sociales du pays, etc. Il est également possible de faire ses propres simulations, en augmentant tel taux ou en en baissant tel autre, et d’observer en temps réel quelles sont les retombées de ces modifications sur les finances du pays. Avec ce site Internet, les Français disposent d’un moyen unique pour décrypter les arbitrages fiscaux opérés par tel ou tel parti politique. Désormais, ils peuvent aussi trier le bon grain de l’ivraie, les faits des légendes, la vérité du mensonge.

Pour une révolution fiscale : un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle, Seuil/République des idées