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Une révolution ici, une autre là-bas, une troisième en cours entre les deux…, on ne peut pas dire que l’ambiance soit à la tranquillité, au train-train, au business as usual… Les soulèvements sociaux qui se déroulent depuis plusieurs semaines sur le pourtour méditerranéen et au-delà ne font pas du tout les affaires des entreprises occidentales, françaises notamment.
Sous la férule de quelques dictateurs, les salariés locaux avaient en effet pris la bonne habitude de rester à leur place et de se contenter de ce qu’on leur donnait. Pour se faire une petite idée, le salaire horaire minimal garanti* est en France de 9 euros bruts, soit 7,06 euros nets. En Tunisie, dans le textile et l’habillement par exemple, il équivaut à 0,73 euro, cela pour 48 heures de travail hebdomadaire. Jeune et qualifiée, la main-d’œuvre tunisienne est donc payée dix fois mois que la française, sans pour autant réclamer des augmentations, revendiquer à tout bout de champ ni se mettre en grève à la moindre occasion. Et tout ça à deux heures de Paris. Un paradis pour entreprises en quelque sorte, ou encore, comme l’a dit un jour le président du CEDITH**, « Un modèle remarquable de développement harmonieux, économique et social » ! Mille deux cent cinquante entreprises françaises bénéficient depuis des années de ces conditions « aux p’tits oignons », élaborées main dans la main par les autorités tunisiennes et françaises. Bref, l’environnement propice aux affaires, idéal pour engranger de confortables profits. D’autant que si la fabrication a quitté l’Hexagone, les prix de vente n’y ont pas été divisés par dix ou cinq, ni même par trois ou deux. Ils augmentent même régulièrement pour intégrer les augmentations de matières premières — et les baisses ? — et pour suivre cette fâcheuse inflation des prix qui pourrait, si l’on n’y prenait garde, grignoter miette à miette l’épais gâteau concocté de l’autre côté de la Méditerranée. Certes, il a bien fallu, de temps à autre, accorder quelques contreparties aux maître et maîtresse de Tunis, à leur famille et à leurs affidés. Mais le jeu en valait la chandelle.

Partir à nouveau, mais pour aller où ?
Malheureusement, depuis que l’un « des meilleurs amis de la France » s’est fait mettre à la porte par son peuple — il semblerait qu’on obtienne beaucoup plus, et plus vite, en descendant dans la rue d’une dictature qu’en faisant la même chose beaucoup plus longtemps dans une « démocratie » —, les salariés tunisiens réclament à présent des augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail. Les entreprises qui ont quitté l’Hexagone ne l’ont tout de même pas fait pour se retrouver confrontées aux mêmes problèmes, en Tunisie, quelques années plus tard ! Deux solutions s’offrent à elles désormais, puisqu’elles ne diminueront jamais leurs marges : soit délocaliser et quitter le pays — comme certaines menacent déjà de le faire, mais pour aller où ? —, soit augmenter leurs tarifs. En cas d’option numéro 2, qu’ils soient acheteurs de sous-vêtements, de t-shirts, de jeans, de tenues sportswear, d’équiments de ski, de chaussures — pour enfants surtout —, etc., les consommateurs français vont découvrir concrètement dans leur porte-monnaie les effets de la révolution tunisienne. En attendant la marocaine, la vietnamienne et la chinoise, les mouvements sociaux est-européens, les soulèvements dans les pays du Golfe et, bien sûr, la montée en flèche du prix du pétrole. Ça va devenir très compliqué de gagner beaucoup d’argent en en dépensant le minimum…
Et si finalement les courageux qui sont sont restés en France contre vents et marées avaient fait le bon choix ?

* A noter : le salaire minimal s’appelle SMIG en France, mais également en Tunisie. Pour ne pas dépayser les chefs d’entreprise ?
**Centre Euroméditerranéen des Dirigeants Textile-Habillement

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