« En France on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». C’est du moins ce que l’on prétendait dans les années 1970-1980, au lendemain du premier choc pétrolier. Car depuis ces années-là, à part l’uranium, l’uranium et l’uranium — que l’on n’a pas non plus, d’ailleurs —, quoi de neuf ? Rien. A se demander si on ne manque également d’idée…
Heureusement, en France, on a des porcs, des milliers de porcs. Et qui dit porcs dit lisier.
Jusqu’à tout récemment, les déjections de nos amis cochons causaient plus de soucis qu’ils ne procuraient de satisfactions, aux habitants des régions d’élevage notamment. Les autorités européennes ayant pris les décisions qui s’imposaient — quant à la qualité de l’eau notamment — à défaut de les voir prises par leurs homologues françaises, les éleveurs se sont trouvés dans l’obligation de traiter la pollution occasionnée par leurs élevages. Sous peine de voir rapidement leurs petites exploitations disparaître. Et quand un éleveur de porcs à l’Europe aux fesses, il s’active…
Le résultat, c’est Géotexia, la première usine française de méthanisation, inaugurée en Bretagne au mois de juin 2011.
Avec Géotexia, usine high-tech de technologie allemande, les éleveurs du Mené — une communauté de communes des Côtes d’Armor — ont trouvé la solution pour se débarrasser du lisier sans l’épandre ni polluer la nature. Mieux, ils fournissent désormais la matière première qui permet de produire l’électricité consommée par ce petit coin de Bretagne. Géotexia couvrira demain la consommation électrique de 4 600 foyers, la population totale du Mené s’élevant à 6 200 habitants. Pourtant, cet ambitieux projet a bien failli mourir dans l’œuf, car bloqué en 2006 par une association de riverains, qui ne voulaient pas d’usine, pas de circulation des camions, pas de mauvaises odeurs, etc. Avant de changer d’avis, deux années plus tard.
Aujourd’hui opérationnelle, Géotexia est dimensionnée pour traiter chaque année 35 000 tonnes de lisiers agricoles et 40 000 tonnes de sous-produits animaux, issus d’un grand abattoir local. D’autres projets analogues sont en cours d’élaboration en Bretagne, mais pas seulement. La Normandie s’apprête ainsi a construire une unité de méthanisation, qui cette fois récupérera de multiples substrats agricoles — tontes de pelouses, bois, boues, etc. Le biogaz produit sera ensuite injecté dans le réseau de gaz habituel.
Selon le scénario méticuleusement élaboré par l’association Negawatt, le biogaz pourrait être la solution ; l’énergie qui demain se substituera au gaz naturel, à l’uranium et au pétrole. Celui-ci sera alors uniquement réservé au transport aérien.
Remplacer de coûteux produits importés par une production locale qui nous débarrasse en outre des déchets produits par l’activité et l’alimentation humaines, ça c’est une idée. Biogaz, éolien, solaire et hydraulique cumulés permettraient de se passer totalement des énergies fossiles.
Negawatt ne manque malheureusement pas de poser une condition à la réalisation de ce scénario : qu’EDF, GDF-Suez, Areva et Total n’emploient pas leurs immenses moyens financiers pour y faire obstacle. Car s’il se réalisait, ce scénario marquerait probablement la fin de l’âge d’or pour toutes ces entreprises.