Rien ne les arrĂªtera. NaĂ¯fs, certains espĂ©reraient qu’une fois le pays vider de ses « producteurs », les tireurs de ficelles laisseraient en paix celles et ceux qui Ă©taient, miraculeusement, passĂ©s entre les gouttes. Eh bien non ! Un administratif, un commercial, un communicant ou un comptable français coĂ»tent eux aussi incomparablement plus cher que leurs Ă©quivalents asiatiques, nord-africains ou est-europĂ©ens. La tisane doit Ăªtre bien amère pour tous les salariĂ©s zĂ©lĂ©s qui ont eux aussi, en espĂ©rant prendre du galon ou au moins sauver leur emploi, prĂ´nĂ© l’abandon de la production. Ne fallait-il pas couper les branches mortes pour aider l’arbre Ă  grandir ? Qu’en pensent-ils aujourd’hui, eux qui s’apprĂªtent Ă  faire les frais d’un nouvel Ă©lagage ?
Illustration avec CWF, pour Children Worldwide Fashion. CrĂ©Ă©e en 1999 après le rachat d’Albert SA, un fabricant de vĂªtements pour enfants, CWF a commencĂ© par cesser toute production pour la transfĂ©rer Ă  des sous-traitants Ă©trangers. En 2010, alors que l’entreprise s’en sort honorablement et « garde la tĂªte hors de l’eau », sa prĂ©sidente reconnaĂ®t que la production est intĂ©gralement confiĂ©e Ă  des fabricants « choisis en fonction de leur savoir-faire », en Italie, en Europe de l’Est, en Afrique du Nord ou encore en Asie. ApprĂ©cions l’ordre selon lequel ces pays sont citĂ©s… L’entreprise ne fabrique donc rien, ce qui ne l’empĂªche pas de crĂ©er une chaĂ®ne de magasins baptisĂ©e Atelier de Courcelles. GrĂ¢ce Ă  « Atelier », les « marketeux » de service espèrent instiller dans l’inconscient des acheteurs une connotation « savoir-faire et proximité ». Avec « Courcelles », il s’agit d’apporter la petite touche proprette et chic qui rassure les mamans aisĂ©es. Ces magasins commercialisent en effet des vĂªtements de luxe pour enfants et adolescents ; le faire dans un rĂ©seau baptisĂ© Le souk de Tunis ou Le Sweatshop de Shenzen aurait Ă©tĂ© plus dĂ©licat. Et pourtant… Dans un article de fĂ©vrier 2012, il est prĂ©cisĂ© que la fabrication est Ă  40% chinoise, Ă  40% maghrĂ©bine et Ă  20% est-europĂ©enne. L’Italie a disparu… D’aucuns prĂ©tendront que cela n’a pas d’importance, que ce qui compte est la crĂ©ation, le design, l’inventivitĂ©. Bref le talent des cerveaux, pas celui des mains. Cela explique sans doute pourquoi Hermès et Louis Vuitton multiplient les ouvertures d’ateliers dans l’Hexagone, Ă  la place de ceux qui quittent le navire.
Patatras en ce dĂ©but d’annĂ©e 2012 : la multiplication des Ateliers de Courcelles dans les beaux quartiers ne suffit pas Ă  assurer la bonne santĂ© de CWF. Y vendre 90 euros un pyjama naissance Burberry ou 350 euros un manteau Boss ne permet pas d’assurer la pĂ©rennitĂ© de l’entreprise. Il faut supprimer 149 des 400 emplois que compte le siège de l’entreprise, aux Herbiers. LĂ  oĂ¹ Ă©tait jadis fabriquĂ©e chaque pièce commercialisĂ©e. Et cette fois, plus de couturières Ă  virer ! La prochaine charrette concernera les agents de maĂ®trise et les cadres.
Encore un peu de patience : les licencieurs-déclocalisateurs finiront bientôt par se liquider entre eux. Il sera alors temps de repartir de zéro, sans eux…