© Hermès/I. Dupuy-Chavanat/F. Laffont

Ce qui est rare est cher. Donc un foulard Hermès est cher. Ce qui est abondant est bon marché. Donc la main-d’œuvre est bon marché. Des centaines de millions de Nord-Africains, d’Est-Européens et d’Asiatiques sont désormais sur les rangs pour fabriquer à vil prix ce qui jadis l’était par les « travailleurs » des pays occidentaux. Pour nombre d’employeurs, le travail d’un ouvrier, d’un technicien voire d’un ingénieur ne vaut plus rien à l’échelle planétaire. Alors pourquoi le payer au prix fort ? Seules comptent les marchandises — et les marges —, qui sortent indifféremment d’usines chinoises, pakistanaises, tunisiennes, turques ou roumaines. Les hommes et les femmes qui les produisent à travers le monde sont anonymes, transparents, interchangeables…
Le luxe vit aujourd’hui en marge de cette évolution. Les plus grandes maisons misent sur des savoir-faire exclusifs et rares pour se différencier. Pas question pour elles de prétendre que tous les tournemains se valent. Au contraire. Si les produits de luxe sont vendus aussi cher, c’est précisément parce que le travail de ceux qui les fabriquent est incomparable.
Grand nom du luxe s’il en est, Hermès a récemment mis en ligne un film qui valorise ses salariés. Jeunes et moins jeunes, débutants ou expérimentés, nés dans l’Hexagone ou venus de très loin, qu’ils travaillent le cuir, le métal, le verre ou la soie, ce sont Les Mains d’Hermès. Pendant plus de quarante-cinq minutes, les doigts s’activent, les yeux observent, les attentions se concentrent… Les voix expriment l’amour de leur métier, tout juste découvert ou compagnon de longue date. Chez Hermès, les artisans prennent leur temps, peaufinent et recommencent si nécessaire. Et ils apprennent tous les jours, à 20 ans comme à bientôt 60.
Bien sûr le tableau peut sembler idyllique. Le salaire mensuel d’un artisan n’est pas la moitié du prix d’un seul sac Hermès, ce qui est sans doute exagéré. Bien sûr ces hommes et ces femmes donnent vie à des articles qu’ils ne peuvent pas s’offrir. Mais on perçoit malgré tout que cette maison n’est pas une entreprise tout à fait comme les autres ; que les produits qui portent sa griffe ne le sont pas non plus.
Entre deux portraits, après quelques vues de paysages embrumés, des images furtives d’une usine désaffectée. Des « fiches de pointage » déchirées jonchent le sol, parmi les cailloux. Ici plus personne ne travaille depuis longtemps. Mais à proximité, chez Hermès, on embauche.