En six mois et trois occasions, LVMH a parfaitement illustré une tendances forte de la société française : la concentration. Le groupe vient en effet, coup sur coup, d’acheter les tanneries Roux, à Romans, en mai 2012, puis le mois suivant de s’emparer d’Arnys, célèbre tailleur parisien et, le 24 octobre dernier, de prendre le contrôle de l’Atelier Anthony Delos, bottier tourangeau réputé.

En intégrant les tanneries Roux, LVMH entend sécuriser ses approvisionnements en cuir, alors que la demande internationale en maroquinerie made in France ne se dément pas.
Entre les tanneries appartenant au numéro 1 mondial du luxe, à son concurrent Hermès ou encore à J. M. Weston, qui a pris le contrôle des Tanneries du Puy en 2011, les entreprises hexagonales de tailles plus modestes ont de plus en plus de difficultés à trouver du cuir sur leur propre territoire. Elles doivent alors se tourner vers d’autres fournisseurs, l’Italie et l’Espagne notamment.
En mettant la main sur Arnys et Anthony Delos, LVMH souhaite renforcer et développer Berluti, sa prestigieuse marque de chaussures de luxe. L’objectif est de faire de cette griffe plus que centenaire un acteur généraliste — mais exclusivement masculin —, qui en plus des souliers et de la maroquinerie, commercialisera du prêt-à-porter. De quoi habiller de pied en cap les élégants qui ne connaissent pas la crise… Les marques Anthony Delos et Arnys disparaissent et c’est par conséquent un magasin Berluti qui, en lieu et place de celui d’Arnys, fera désormais face au vaisseau amiral d’Hermès, rue de Sèvre, à Paris. A quelques dizaines de mètres seulement de la future boutique Shang Xia, la marque de luxe chinoise créée par Hermès, et à deux minutes du Bon Marché, propriété de LVMH.
Cette rivalité parisienne — mais aussi mondiale — des deux frères ennemis du luxe tricolore* n’est pas de nature à modifier la spécificité de l’industrie française. Contrairement à l’allemande ou à l’italienne, elle a en effet toutes les peines à faire cohabiter PME prospères et groupes internationaux, les seconds finissant très souvent pas manger les premières. Une tendance à la concentration calquée sur la centralisation politique, administrative, médiatique et culturelle de l’Hexagone. Un modèle différent de celui de ses voisins, qui a fait la preuve de ses défauts et de ses faiblesses. Mais aussi de ses qualités et de ses points forts.

* Le groupe français PPR, rival lui aussi de LVMH et d’Hermès, rachète surtout de grandes marques — Yves Saint Laurent, Boucheron, Gucci, Bottega Veneta, Stella McCartney… — et ne semble guère miser sur le made in France.