Bien malin celui qui peut aujourd’hui établir l’origine de fabrication d’un produit complexe. Un récent article des Echos est à cet égard édifiant. Pour qui ignore les nationalités d’origine de Boeing, d’Apple et de Volvo, les deviner à la lecture des infographies présentées est impossible. Sans même évoquer son assemblage en Chine par une entreprise taïwanaise, l’iPhone d’Apple apparaît ainsi bien plus japonais et coréen qu’états-unien. Quant à la Volvo S 40, seuls l’airbag, les ceintures de sécurité et le pare-choc arrière sont made in Sweden. On remarque en revanche que la climatisation, le vitrage, les instruments de bord et les feux arrière sont fabriqués en France… Même l’avion, qui symbolisait il y a peu encore la maîtrise technologique de quelque-uns seulement, même l’avion donc prend désormais part à ce grand Meccano international. Une multitude de fournisseurs participent ainsi à la fabrication du tout nouveau Boeing 787 — parmi eux, seize industriels français — qui, dans le détail, semble lui aussi plus asiatique et européen qu’américain. Le 787 est en outre construit sur 135 sites différents ! Selon les ingénieurs et techniciens de Boeing, cette organisation de la fabrication est à l’origine des problèmes électriques actuellement rencontrés par le gros porteur. Les batteries incriminées sont ainsi fabriquées par une entreprise japonaise et assemblées par le Français Thales. Comment, avec cet éparpillement des tâches et des responsabilités, remonter rapidement à la source du problème pour le corriger ? Du coup, tous les exemplaires de ce nouvel appareil sont cloués au sol et nombre de vols annulés, les premières annulations de commandes étant même annoncées.
Ce modèle de production semble calqué sur celui de l’actionnariat des multinationales, de plus en plus morcelé et réparti sur tous les continents. Cette tendance à l’émiettement, à l’approvisionnement tous azimuts — et souvent au moindre coût — est à l’œuvre dans tous les domaines. Tel maroquinier de luxe français n’hésite pas à faire fabriquer les poignées de ses sacs en Europe de l’Est pour abaisser ses coûts de production, alors même que chaque exemplaire sera vendu plusieurs milliers d’euros. On se souvient également des difficultés rencontrées pour trouver l’ingrédient responsable de l’intoxication alimentaire qui fit une cinquantaine de morts en 2011, en Allemagne pour l’essentiel.
Sans même évoquer de telles conséquences en vies humaines, ou même les pertes d’emplois et de savoir-faire, à combien s’élève la facture de cette globalisation sans limite en termes de transports et donc de gaspillage d’énergie et de pollution ?